Jean-Paul LONGO NZUZI
Chef de Travaux à l’Université Pédagogique Nationale, Kinshasa-RDC
RESUME
Suite aux résultats déficitaires qui font baisser les capitaux propres, menaçant d’atteindre la moitié du capital social, seuil planché qui peut conduire à la dissolution de la société, des solutions sont envisagées. Il s’agit notamment de la signature des contrats de concession de service public dont l’avantage est de diminuer la charge d’amortissement par la non prise en compte des consommations d’investissements désormais identifiées dans le domaine public de l’Etat ; de la signature des contrats de performance avec l’Etat-Propriétaire sur base d’un business plan avec des critères de performance et d’évaluation périodique bien spécifiques, mesurables, agréés, réalisables et limités dans le temps ; de l’ouverture des capitaux propres à d’autres investisseurs qui, au-delà des avantages et inconvénients, a pour conséquence de ramener les capitaux propres à un niveau supérieur au seuil planché ; de la réévaluation libre qui demeure interdite dans notre pays ; de l’incorporation des emprunts dans le capital social afin de ne plus supporter les paiements dus au service de la dette et de la restructuration de certaines entreprises du portefeuille en vue de les rendre plus souples et plus adaptées pour la clientèle.
Mots-clés : capitaux propres minimaux, seuil planché
INTRODUCTION
Il est un constat indéniable que beaucoup d’entreprises en République Démocratique du Congo réalisent des résultats nets déficitaires pendant plusieurs exercices successifs. Cet état de fait impacte négativement les capitaux propres qui baissent régulièrement, menaçant d’atteindre, voire d’aller en-dessous du seuil minimum fixé à la moitié du capital social.
A cet effet, l’article 664 de l’Acte Uniforme révisé sur le Droit des Sociétés commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique « GIE » précise ce qui suit[1] : « Si du fait des pertes constatées dans les états financiers de synthèse, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, le conseil d’administration ou l’administrateur général, selon le cas, est tenu, dans les quatre (4) mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de convoquer l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de décider si la dissolution anticipée de la société a lieu.
L’article 665 complète cette disposition en indiquant que[2] « si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de réduire son capital, d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pu être imputées sur les réserves si, dans ce délai, les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social. Au cas où l’Assemblée générale des actionnaires n’a pas pu délibérer sur l’augmentation du capital suivie de l’assainissement financier, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Il en ressort que l’entreprise doit suivre régulièrement et à la fin de chaque exercice comptable sa profitabilité pour en établir un diagnostic approfondi, en identifier les causes et prendre des mesures correctives pour l’avenir ; évaluer l’impact du résultat net sur les capitaux propres et prendre des mesures de préservation des capitaux propres contre le risque d’atteinte du seuil minimum.
I. DIAGNOSTIC DU COMPTE DE RESULTAT
Le résultat net de l’exercice est un solde qui est déterminé par la différence entre les produits et les charges. Comme nous pouvons le comprendre, les produits correspondent à des enrichissements réalisés par l’entité dans le cadre de l’accomplissement de ses activités. Les charges sont des consommations ou emplois définitifs qui induisent l’appauvrissement de l’opérateur économique.
A titre exemplatif, le Système Comptable OHADA révisé reprend les charges correspondant aux éléments suivants[3] :
- Achats et variation des stocks
- Transports ; Services extérieurs ;
- Autres services extérieurs ;
- Impôts et taxes ;
- Autres charges ;
- Charges de personnel ;
- Frais financiers et charges assimilées ;
- Dotations aux amortissements et
- Dotations aux provisions et aux dépréciations.
Les produits sont relatifs aux (à la) :
- Ventes ;
- Subventions d’exploitation,
- Production immobilisée ;
- Variation des stocks de biens et de services produits ;
- Autres produits ;
- Revenus financiers et assimilés ;
- Transferts de charges ;
- Reprises de provisions, dépréciations et autres.
Les charges et produits ci-dessus identifiés appartiennent respectivement à la classe 6 Charges des activités ordinaires et à la classe 7 Produits des activités ordinaires. Il faut noter tout de même que les autres charges et les autres produits qualifiés de « hors activités ordinaires » sont repris dans la classe 8. Les comptes de charges hors activités sont ceux dont le deuxième chiffre du compte principal est impair tandis que les produits sont issus des comptes dont le deuxième chiffre est pair.
Il s’agit donc des autres charges et des autres produits suivants : valeurs comptables des cessions d’immobilisations ; produits des cessions d’immobilisations ; charges hors activités ordinaires ; produits hors activités ordinaires ; dotations hors activités ordinaires ; reprises de charges, provisions et dépréciations hors activités ordinaires ; participations des travailleurs ; subventions d’équilibre et impôts sur le résultat. Afin de se conformer aux normes internationales d’information financière qui ne prévoient pas de numéros de comptes, le Système Comptable OHADA a institué la table de correspondance postes- comptes qui permet de positionner les comptes en forme de postes sur base de regroupements préalablement identifiés, chaque poste étant repéré par un code alphabétique à deux lettres appelé « référence ».[4]
Il est observé que plusieurs entreprises souffrent d’une structure d’exploitation très lourde. C’est notamment le cas des charges de personnel et des dotations aux amortissements qui pèsent lourdement sur le résultat net de ces entreprises, le rendant même négatif. Ce problème est consécutif, pour les entreprises du portefeuille de l’Etat, aux travaux de revalorisation de leur capital social respectif suite à leur transformation en sociétés commerciales, établissements publics ou services publics. Il en ressort que les valeurs d’expertise des actifs ayant gonflé sensiblement les valeurs brutes, la saisie comptable des dotations aux amortissements qui s’en dégagent a augmenté les charges ; ce qui a contribué significativement à la réalisation des résultats déficitaires sur plusieurs exercices comptables.
De plus, les charges de personnel étant structurellement soumises aux exigences légales en la matière et compte tenu de l’impact social en la matière, elles prennent une part importante dans la structure des charges de ces entités ; ce qui fait baisser davantage le résultat net de plusieurs sociétés concernées.
II. SOLUTIONS PRECONISEES
Tout en reconnaissant que nous visons d’abord les entreprises du portefeuille de l’Etat, les solutions proposées peuvent aussi concerner les entreprises du secteur privé moyennant certaines adaptations.
II.1. Contrats de concession de service public
Pour diminuer les charges d’amortissement des entreprises du portefeuille de l’Etat, la solution consiste entre autres, en la signature du contrat de concession de service public entre l’Etat propriétaire et les entreprises concernées.
Dans ce cadre, l’Etat propriétaire définit le service public qui doit être rendu grâce à l’équipement concédé ainsi que les modalités de rémunération de l’opérateur « entreprise du portefeuille » qui peut être payée par la collectivité ou par les usagers. L’opérateur ne dispose pas du pouvoir de contrôle sur le bien concédé mais en détient seulement le droit d’accès. L’avantage est que les immobilisations identifiées comme faisant partie du domaine public de l’Etat ne feront plus l’objet d’amortissements et de ce fait, contribueront à diminuer sensiblement la charge d’amortissement ; ce qui améliore par conséquent la profitabilité de ces entreprises et contribue à améliorer leurs capitaux propres.
II. 2. Contrats de performance
Les contrats de performance sont des outils qui renseignent sur la performance accomplie en tenant compte des objectifs (qui avaient été assignés aux responsables de chaque entité concernée) dont la réalisation est indiquée par le biais des indicateurs et des valeurs cibles.
Les contrats de performance visent à établir une relation de confiance entre l’Autorité de tutelle et l’entreprise contractante à travers ses mandataires. L’objectif est de fournir une prestation de qualité sur le long terme. Les contrats permettent une plus grande flexibilité en adaptant régulièrement les facilités accordées aux performances de l’entité.
Ces performances sont mesurées objectivement et régulièrement. Il est important que les dirigeants sociaux des entreprises du portefeuille de l’Etat signent des contrats de performance avec l’Etat propriétaire, représenté par le Ministère du Portefeuille pour une gestion plus rigoureuse sur base d’un business plan avec des critères de performance et d’évaluation périodique bien spécifiques, mesurables, agréés, réalisables et limités dans le temps.
L’avantage du contrat de performance est d’inscrire la gestion de chaque entreprise dans un horizon de performance et d’amélioration bien défini ; ce qui l’éloigne du risque de pertes successives. Pour que les mesures prises soient efficaces, il est important que les Institutions du pays n’interférent plus, même de façon informelle dans la gestion de ces entités.
Dans ce contexte, la définition d’indicateurs censés rendre compte de l’atteinte des objectifs du contrat de performance doit être dénuée de toute considération imaginaire. Si a priori, les objectifs sont mal aisés à définir, en effectuer l’évaluation a posteriori dans le cadre d’une évaluation des performances est encore plus difficile.
Ce point est très important car il s’agit d’une limitation inhérente à la réalité sociale que les objectifs et indicateurs d’un contrat de performance essaient de cerner. Il est donc important que l’évaluation du contrat de performance puisse être effectuée au cours des périodes intermédiaires de manière à mieux en suivre la réalisation grâce à la définition des échéances, des types de contrôles à effectuer et de l’identification des responsabilités dans le pilotage du système de suivi.
Définir la notion de performance ainsi que sa mesure n’est pas chose aisée : est-il plus souvent souhaitable d’orienter l’analyse sur des objectifs à long terme ou sur ceux à court terme quitte à intégrer les objectifs lointains au fur et à mesure ? Il faudra donc s’assurer que la dimension liée aux délais de réalisation est bien intégrée dans le contrat ainsi que le caractère « réalisable » des objectifs.
II. 3. Ouvrir les capitaux de ces entités à d’autres investisseurs
Ouvrir son capital, c’est prendre le meilleur de deux mondes : celui des associés actuels qui, à l’épreuve de temps, a démontré sa capacité à consolider des savoir-faire, des compétences, un réseau, à porter un projet et une vision et celui des tiers, qui apportent des capitaux frais à la société de manière à ce qu’elle sorte de la zone de contreperformance qui entraîne la diminution des capitaux propres. Ainsi, ouvrir le capital, c’est faire rayonner le patrimoine de la société, c’est accéder à de nouveaux réseaux, donner une dimension nouvelle aux affaires de la société.
Les inconvénients de l’ouverture du capital sont entre autres :
- Un temps significatif à y consacrer : une levée de fonds est toujours chronophage, mémé en passant par un leveur de fonds ;
- Une moins grande autonomie dans la gestion de l’entreprise, car il faut rendre des comptes aux autres actionnaires. Il est fréquent que les investisseurs occupent un siège au Conseil d’Administration assorti d’un poids non négligeable dans la stratégie et les prises de décisions ;
- Une dilution sur les bénéfices due au nombre d’actionnaires. Cependant mieux vaut détenir un pourcentage plus faible d’une entreprise qui a de la valeur qu’un pourcentage plus élevé d’une entreprise qui n’arrive pas à se développer ;
- Des intérêts et des attentes parfois divergents entre les anciens associés et les nouveaux qui peuvent rendre la communication et la collaboration difficiles :
- Un niveau d’implication différent : les anciens associés connaissent la réalité du terrain tandis que certains nouveaux apprennent à connaître la société ;
- Un horizon de temps différent : un fonds institutionnel dure environ plus de dix ans. Les nouveaux associés ont tendance à être dans une logique plus court terme que les anciens ;
- Des contraintes de liquidité différentes : les besoins des sorties des nouveaux associés peuvent entrainer la vente de l’entreprise à moyen terme. .Le calendrier imposé par les nouveaux associés ne sera pas forcément le meilleur pour l’entreprise.
D’autre part, se lancer dans une levée de fonds peut présenter des risques pour l’entreprise. Un échec de la levée des fonds. Les investisseurs sont sélectifs et tous les projets ne trouvent pas des financements auprès du capital-investissement. Le risque est alors d’avoir consacré du temps à la levée des fonds en négligeant le business et ainsi de mettre la société dans une impasse en cas d’échec de la levée des fonds.
Un prétexte pour retarder le moment de se conformer au marché et aux clients : certains entrepreneurs se lancent dans une levée des fonds pour repousser la confrontation au marché. Cette stratégie ne peut que s’avérer néfaste pour l’entreprise. Il faut d’abord essayer de se développer auprès des clients avant de chercher à se financer auprès d’intermédiaires financiers.
Une levée de fonds trop importante peut inciter à dépenser trop et à aller trop vite : l’investisseur peut avoir intérêt à investir beaucoup d’argent pour le succès de sa propre stratégie d’investissement et non dans l’intérêt de l’entreprise, ni en fonction des besoins de l’entreprise. A contrario, il peut être mauvais pour l’entreprise de lever trop et de mettre trop de « carburant » dans son moteur. L’entreprise et ses équipes doivent entre prêtes à assurer le développement envisagé, faute de quoi, l’entreprise peut s’écrouler.
Une levée de fonds trop tôt et à une valorisation trop élevée entraînent un risque de dilution importante en cas de tour de table ultérieur. Si vous levez très toto à une valorisation élevée, vous serez satisfaits sur le coup. Mais lorsque vous aurez besoin de lever de nouveau, si vous n’avez pas développé l’entreprise suffisamment, vous serez contraints d’accepter une nouvelle levée des fonds sur une valorisation tendant à être inférieure, « cas du coup d’accordéon ».
Une attente déçue concernant l’accompagnement des investisseurs. La réalité est que les nouveaux associés participent en moyenne à cinq (5) à dix (10) conseils d’administration en parallèle et qu’ils n’ont que peu de temps à consacrer à chaque participation.
Un apport d’expériences de la part de nouveaux investisseurs qui peut avoir des travers. Un investisseur a participé aux conseils d’une dizaine d’entreprises ; ce qui lui confère une expérience de situations et de secteurs variés. Ainsi, il peut être un excellent conseiller, mais il peut aussi être amené à faire des généralités et à considérer que son expérience le rend plus pertinent que les anciens associés qui généralement sont longtemps sur le terrain où évolue la société. Les principaux avantages de l’ouverture du capital sont les suivants :
- Une solidité financière accrue, ce qui améliore sensiblement la perception et les relations vis-à-vis des fournisseurs et des clients ;
- Une trésorerie renforcée, ce qui sécurise l’entreprise ;
- Un endettement à moyen et long terme mesuré ; les investisseurs se rémunèrent essentiellement sur les plus-values réalisées lors de la revente de leurs participations et très peu via des intérêts ;
- Un financement sans apport de garanties personnelles des fondateurs ;
- Un effet de levier auprès d’autres types de financeurs. L’entrée d’autres investisseurs au capital permet un effet de levier pour accéder à d’autres financements, comme le financement bancaire, des aides publiques souvent liées à un niveau de fonds propres, des subventions, des avances remboursables ;…
- Un apport de valeur supplémentaire par les nouveaux actionnaires pour booster la capacité de l’entreprise : apport d’expertise technique, stratégique, d’expériences, de réseau et carnet d’adresses ;
- Un regard extérieur qui permet de prendre du recul et aide à construire une vision stratégique par la présence fréquente dans les organes de gouvernance ;
- La possibilité de croître par la croissance interne et la croissance externe. Une bonne trésorerie permet plus facilement de réaliser des acquisitions ;
- La crédibilité : l’entreprise a souvent besoin d’avoir une certaine crédibilité vis-à-vis de ses clients et fournisseurs, notamment les grands comptes, pour se développer. Un moyen d’asseoir cette crédibilité est d’avoir au capital des investisseurs réputés ;
- Une sécurité pour l’entreprise : lever des fonds quand on en a besoin apporte une sécurité financière et permet de mieux faire face à toutes les situations possibles ;
- Une sécurité pour les associées : faire appel à d’autres investisseurs pour renforcer le capital de la société permet aux anciens associés d’avoir la garantie de la pérennité des affaires dans la cadre de l’actionnariat de la société.
D’autre part, la levée des fonds peut constituer un passage indispensable pour l’entreprise dans certains secteurs. Les secteurs à fortes économies d’échelles : dans un secteur où il faut avoir une certaine taille pour devenir rentable, faire appel à des investisseurs permet d’avoir les moyens d’investir et d’atteindre la taille critique. C’est le cas notamment dans les chemins de fer, le transport naval, le transport par route, l’énergie,…
Les secteurs à taille critique en nombre d’utilisateurs ou à « effet de réseau » : il s’agit des secteurs où la valeur des produits ou services augmente au fur et à mesure que d’autres personnes l’utilisent. Sur ce type de marché, il faut d’abord construire le réseau avant d’être rentable. Par exemple un modèle de place de marché n’est rentable qu’à partir d’un volume d’affaires. Dans ce cas, il faut investir et financer le Besoin en Fonds de Roulement avant que la société soit rentable. C’est le cas de Boulangerie qui doit vendre des pains en construisant sa propre clientèle par l’octroi dans un premier temps des pains par vente à crédit.
Les secteurs où la force de frappe et la capacité d’aller vite sont des facteurs clés de succès : ce sont des secteurs qui présentent une barrière liée à une avance technologique forte ou à une avance en termes de vitesse d’acquisition de parts de marché. C’est notamment le cas des entreprises tabacicoles et brassicoles.
Sur les marchés où la concurrence casse les prix où qu’un phénomène ouvre à une concurrence plus large. C’est le cas qui s’observe en cas de baisse des barrières réglementaires. La levée des fonds peut permettre de casser les prix afin de prendre des parts de marché et tirer son épingle du jeu. Les marchés à horizon long et à tickets d’entrée élevés : c’est notamment le cas des projets qui nécessitent des frais de recherche et de développement à longue durée et coûteuse avant d’avoir un produit commercialisable et où les barrières réglementaires sont fortes pour arriver à mettre un produit sur les marchés avec cycle de vente long.
Il est important que l’Etat congolais autorise l’augmentation du capital de ces entreprises par des apports nouveaux ; ce qui aura pour conséquence de ramener les capitaux propres à un niveau acceptable et d’éloigner la société du risque de dissolution consécutif à l’article 664 de l’Acte Uniforme du droit de société. Ces entreprises procéderont par la suite à un assainissement financier en vue d’éponger les pertes constatées par la réduction du capital.
II. 4. Réévaluation libre
La réévaluation est une opération comptable qui consiste à corriger la valeur des actifs concernés par la substitution d’une valeur dite réévaluée à la valeur nette comptable telle qu’elle figure au bilan.
La réévaluation est une exception à la règle des coûts historiques motivée par la recherche d’une image fidèle. L’article 35 de l’Acte Uniforme relatif au droit comptable préconise[5] la réévaluation libre des immobilisations corporelles et financières dans le respect des articles 62 à 65. Dans ce cas, la décision de réévaluation libre est prise par les organes de gestion de l’entité qui indiquent la méthode utilisée, la liste des postes des états financiers concernés et les montants correspondants, le traitement fiscal de l’écart de réévaluation.
La réévaluation légale qui peut être instaurée par les autorités compétentes de chaque Etat-Partie. La réévaluation légale dont la mise en œuvre et les modalités techniques sont définies strictement par les pouvoirs publics peut même déroger aux dispositions pertinentes des articles 62 à 65 de l’Acte Uniforme sur le droit comptable.[6]
Conformément à l’Article 30 de l’Ordonnance-loi n ̊ 089–17 du 18 Février 1989[7] autorisant la réévaluation de l’actif immobilisé des entreprises, les entreprises qui ne procèdent pas aux opérations de réévaluation dans le délai fixé sont redevables d’une amende fiscale de cent mille zaïres par période de trente (30) jours écoulée jusqu’à la régularisation de leur situation.
L’Arrêté Ministériel n ̊ 17/CAB/MIN/FIN/98 du 13 Avril 1998 modifiant et complétant à titre intérimaire certaines dispositions de l’Ordonnance-loi susmentionnée, en son article 20[8], précise que les entreprises qui n’auront pas procédé aux opérations de réévaluation dans le délai fixé à l’article 3 seront redevables d’une amende fiscale fixée à deux pour cent (2 %) de la valeur des immobilisations non réévaluées lorsqu’il s’agit de la première infraction et quatre pour cent (4 %) en cas de récidive.
L’Ordonnance-loi susmentionnée signale en son article 19 qu’ « à partir de l’entrée en vigueur de la présente Ordonnance-loi, il est interdit aux entreprises imposables ou exonérées de procéder à une réévaluation libre ». C’est ainsi que l’opération de réévaluation libre est frappée d’illégalité dans notre pays, la RDC.
Pour s’assurer que chaque entreprise concernée a réévalué de façon légale ses actifs, l’Ordonnance-loi a institué l’obligation faite aux assujettis de faire parvenir aux services des impôts, une déclaration spéciale des résultats de la réévaluation en plus de la déclaration des revenus réalisés au cours de l’exercice. La déclaration spéciale et ses annexes établies par catégories d’immobilisations sont faites sur le modèle des imprimés du Conseil Permanent de la Comptabilité au Congo « C.P.C.C. ».
Aussi, les entreprises concernées doivent-elles tenir à la disposition de l’Administration fiscale pendant un délai de dix (10) ans tous les documents comptables ou de travail utilisé pour effectuer les opérations de réévaluation.
La réévaluation libre signifie donc pour l’entité qu’elle a la liberté de réévaluer ou de conserver les valeurs historiques qu’elle utilise un référentiel des valeurs actuelles à déterminer sous sa responsabilité ; qu’elle se conforme aux conditions définies par les articles 62 à 65 ; qu’elle peut, en général, effectuer la réévaluation à la clôture de l’exercice de son choix.
La valeur réévaluée d’un élément ne peut en aucun cas dépasser sa juste valeur à la date de prise en compte pour point de départ de la réévaluation, c’est-à-dire à sa valeur actuelle. La valeur actuelle est déterminée par estimation effectuée en référence à des valeurs établies par des évaluateurs professionnellement qualifiés ou à dire d’expert.
L’Ecart de réévaluation libre est inscrit aux capitaux propres. En l’absence d’exonération fiscale, l’écart de réévaluation libre est imposable conformément aux dispositions légales prises par l’Administration fiscale.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’article 21 de l’Ordonnance-loi n ̊ 089–17 du 18 Février 1989 qui précise qu’après réévaluation, le non-respect des dispositions de cette ordonnance-loi entraîne la réintégration de « l’écart de réévaluation » et de « la plus-value de réévaluation » des immobilisations amortissables dans les bénéfices imposables au taux de droit commun.
L’interprétation de cette dernière disposition signifierait que la réévaluation libre est interdite par respect des dispositions de l’Ordonnance– loi indiquée ci-dessus. Les entreprises doivent appliquer la réévaluation légale. En cas de non-respect de cette Ordonnance-loi, les entreprises doivent réévaluer quand même leurs immobilisations car la non réévaluation dans le délai fixé impliquerait paiement des amendes fiscales. Toute réévaluation libre conduit à la déclaration de l’Ecart de réévaluation libre qui fera l’objet d’incorporation dans le résultat fiscal pour déterminer l’impôt sur les bénéfices et profits de 35 %.
C’est en ayant respecté ces conditions que l’Ecart de réévaluation libre peut être incorporé au capital social. Il faut relever pour ce faire que le CPCC doit d’abord se prononcer à ce sujet. Avant de se prononcer, le CPCC doit requérir l’avis de la Direction Générale des Impôts qui devra prendre des dispositions pratiques à cet effet.
Les valeurs actuelles doivent être déterminées à dire d’expert et un répertoire ou une mercuriale des valeurs actuelles devra être déterminée par catégorie ou secteur professionnel. Les entreprises concernées devront payer l’impôt sur le bénéfice (en plus de celui qu’elles paient déjà) car l’écart de réévaluation libre est considéré comme un résultat réalisé.
Les entreprises qui réévaluent déjà et qui ont payé la taxe spéciale d’incorporation lors de la première incorporation de l’écart de réévaluation légale ne la paieront plus. C’est le sens qu’il faut donner à l’article 3, alinéa 3 de l’Arrêté Ministériel sus-indiqué : « Pour les exercices comptables ultérieurs, la plus-value de réévaluation peut être incorporée au capital sans paiement de la taxe spéciale d’incorporation pour autant que les plus-values antérieures au 1er Janvier 1998 aient été intégralement incorporées au capital ».
Il sied de retenir que la réévaluation libre ne peut pas s’appliquer dans les conditions légales actuelles dans notre pays parce que la petite fenêtre d’ouverture lui reconnue par l’article 21 de l’Ordonnance-loi n ̊ 089-17 du 18 Février 1989 autorisant la réévaluation de l’actif immobilisé des entreprises a été fermée par le fait que cette disposition a été abrogée par l’Article 4 de l’Arrêté Ministériel n ̊17/CAB/MIN/FIN/98 du 13 Avril 1998 modifiant et complétant à titre intérimaire certaines dispositions de l’Ordonnance-loi concernée.
Au-delà du débat de forme, il faut relever que les dispositions pertinentes ayant modifié, voire abrogé l’ordonnance-loi sous examen s’appliquent depuis 1998 dans notre pays et par conséquent la réévaluation libre est illégale pour le moment. Toute entreprise qui l’applique s’expose à des sanctions pas seulement fiscales, voire pénales.
II. 5. Incorporation des emprunts dans le capital social
Certaines entreprises qui sont bien gérées et qui estiment qu’elles peuvent transformer leurs titres d’emprunts en actions ou tires de capital peuvent requérir la garantie de l’Etat propriétaire pour solliciter l’augmentation du capital social par l’intégration des emprunts.
L’avantage de cette opération est de rehausser le niveau des capitaux propres, de clôturer la gestion des échéanciers, de ne plus rembourser ces emprunts et de transformer en créances résiduelles remboursables à plus long terme les dettes dont les échéanciers pèsent sur la trésorerie de ces entreprises. Cette opération permet aussi de réduire les charges grâce au non-paiement des intérêts et autres coûts de la dette.
II. 6. Restructuration de certaines entreprises
Beaucoup d’entreprises du portefeuille de l’Etat sont soit trop grandes à cause de leur objet social ou ne savent pas trop couvrir les besoins de la clientèle éparpillée dans la vaste étendue du territoire national. C’est pourquoi nous proposons la mise en place, au sein du Conseil Supérieur du Portefeuille, d’une commission spéciale chargée d’étudier au cas par cas la situation de chaque entreprise du portefeuille aux fins d’étudier comment l’on peut scinder ces entités en fonction de leur objet social ou revoir leur structure organisationnelle de manière à tendre vers une certaine souplesse et une meilleure approche de la clientèle. C’est le cas de la SNEL, de la SCTP et de la SNCC.
CONCLUSION
L’Acte uniforme sur le droit des sociétés instaure une nouvelle pratique en matière de gestion des capitaux propres des sociétés. Celles-ci doivent en suivre l’évolution et évaluer l’importance par rapport au capital social. Dans ce cadre, il est donc important que toutes les opérations susceptibles d’entraîner une modification d’un élément des capitaux propres soit suivie et leur impact évalué. C’est ainsi que nous conseillons la tenue régulière et la publication du Tableau des Variations des capitaux propres pour un suivi efficace.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Présidence de la République, Ordonnance-loi n ̊089–17 du 18 Février 1989 autorisant la réévaluation de l’actif immobilisé des entreprises au Zaïre (RDC), Journal officiel de la RDC.
Présidence de la République, Arrêté Ministériel n ̊17/CAB/MIN/FIN/98 du 13 Avril 1998 modifiant et complétant à titre intérimaire certaines dispositions de l’Ordonnance–loi n ̊ 089–17 du 18 Février 1989 autorisant la réévaluation de l’actif immobilisé des entreprises au Zaïre (RDC), Journal officiel de la RDC.
Secrétariat Permanent de l’OHADA, Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt Economique, Journal Officiel, Numéro Spécial du 04 Février 2014.
Secrétariat Permanent de l’OHADA, Acte
Uniforme relatif au Droit Comptable et à l’Information financière & Système
Comptable OHADA, Journal officiel, Numéro spécial du 15 Février 2017.
[1] Secrétariat Permanent de l’OHADA, Article 664 de l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique, Journal Officiel, Numéro Spécial du 04 Février 2014.
[2] Ibid., article 665.
[3] Secrétariat Permanent de l’OHADA, Acte Uniforme relatif au Droit Comptable et à l’Information financière & Système Comptable OHADA, Comptes de charges et de produits, Journal officiel, Numéro spécial du 15 Février 2017.
[4] Il faut lire à ce sujet le chapitre 7 Table de correspondance postes – comptes du Titre IX Présentation des états financiers annuels du Système Normal, page 1067 de Acte Uniforme relatif au Droit Comptable et à l’Information financière & Système Comptable OHADA
[5] Secrétariat Permanent de l’OHADA, Op. Cit, Article 35.
[6] Secrétariat Permanent de l’OHADA, Ibid, Articles 62 à 65.
[7] Journal officiel, Ordonnance-loi n°089–17 du 18 Février 1989 autorisant la réévaluation de l’actif immobilisé des entreprises au Zaïre (RDC).
[8] Journal officiel, Arrêté Ministériel n ̊ 17/CAB/MIN/FIN/98 du 13 Avril 1998 modifiant et complétant à titre intérimaire certaines dispositions de l’Ordonnance-loi n ̊ 089–17 du 18 Février 1989 autorisant la réévaluation de l’actif immobilisé des entreprises au Zaïre (RDC).