Rigobert KABWITA KABOLO IKO
Professeur d’universités et Directeur Général de l’Institut de Recherche en Géopolitique et d’Etudes Stratégiques/Kinshasa-RDC
Excellence Monsieur le Ministre,
Honorables Députés,
Excellences Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur de Cabinet du Président de la République
Monsieur le Directeur de cabinet Adjoint de la Présidence de la République
Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs le Généraux et officiers des corps armés,
Messieurs les Professeurs,
Messieurs les Chefs de Travaux et Assistants,
Mesdames Messieurs à vos titres et qualités.
Je suis reconnaissant à votre endroit pour l’honneur que vous faites ce jour à l’Institut de Recherche en Géopolitique et d’Etudes Stratégiques (IRGES), au travers votre participation précieuse à la cérémonie de sa présentation officielle. Que vous ayez répondu nombreux à notre invitation est le plus grand privilège que vous puissiez accorder à notre institut et à son personnel. Merci particulier à vous Lambert Mende Omalanga, parrain et mécène, catalyseur et propulseur de l’IRGES. Monsieur le Ministre, vous qui maniez le verbe avec maestria, laissez-nous vous emboîter le pas dans notre propos solennisant la manifestation qui nous occupe à l’instant.
A la suite du diaporama projeté en guise de présentation de l’IRGES, je me dois de vous expliquer, sans me prévaloir de voler la vedette à notre Secrétaire Général, que l’IRGES est une plate-forme de réflexion, de débat, d’analyse approfondie sur des thèmes bien précis, en dépit de leur caractère parfois hétéroclite et globalisant. On y plonge en profondeur dans la géopolitique, la géoéconomie, la diplomatie, les relations internationales, les crises et conflits internationaux, la mondialisation, l’écologie et/ou l’environnement, l’action sociopolitique, le contrat social, la sécurité et la défense, le développement, le management et le leadership international, la financiarisation de l’économie mondiale, le droit international, la création de partenariat, le tout couronné par la volonté du vivre ensemble et du vivre mieux…
Le 4 juin 2016, j’ai décidé de la création de l’Institut de Recherche en Géopolitique et d’Etudes Stratégiques, accompagné de mes premiers collaborateurs et, ce fut, croyez-moi, un projet qui n’avait rien de si simple à exécuter. Au début, nous nous sommes presqu’embrouillés ; par la suite, à force de nous embrouiller sans nous brouiller, nous avons fini par bien nous débrouiller. J’en veux pour preuve la signification profonde de la cérémonie de ce jour, planifiée ensemble, préparée ensemble et en réalisation dans une parfaite harmonie de tous ceux qui font l’IRGES.
Le stade embryonnaire de notre institut est certainement passé, nous sommes une entreprise dans l’enfance, mais la maturité ne tardera pas à se révéler. Pour y arriver, le personnel de l’IRGES a jusqu’ici convergé vers une force d’inertie, une catharsis, une ébauche d’énergie exceptionnelle. Enrichi d’un tel acquis, il n’hésitera pas d’aller au charbon et faire les ramoneurs, car tout vient à point nommé à qui sait attendre. Personnellement, je ne suis pas homme à abandonner le plus facilement du monde et je crois donc qu’un avenir bien certain s’ouvre déjà sur l’Institut que je dirige.
La philosophie de notre institut est de faire de la connaissance et du savoir, les vraies matières premières, les vraies matières stratégiques, exploitées en vue de l’essor de l’Etat congolais. Ainsi à défaut que le gouvernant ne vienne nous chercher aux postes que nous occupons au quotidien dans l’exercice de nos différents métiers participatifs au progrès du pays, NOUS , nous avons décidé de venir nous présenter nous-mêmes à la nation, avec toutes nos capacités et notre intelligence stratégique et naturelle pour ne pas être vite concurrencé par l’intelligence artificielle.
L’IRGES est un foyer d’incubateurs qui veut construire une nouvelle génération de la pensée, du débat d’idées pour déboucher sur un nouveau savoir. A l’IRGES nous sommes un laboratoire de chercheurs et d’experts capables de fournir des produits à la fois préventifs, curatifs et relaxants, c’est-à-dire des résultats d’une recherche probante, résultats au bénéfice de consommateurs de divers secteurs.
Nous nous engageons nous-mêmes à contribuer, tant que faire se peut, à la conception et même à la réalisation de quelques projets appuyant la prospérité de notre pays, prospérité qui a pour socle la connaissance, le savoir. Autant le rappeler avec insistance : la devise de l’IRGES déclame : La puissance socio-politique n’est pas dans le pouvoir, mais dans le savoir ! Recherche, éducation, instruction, formation, culture, ouverture sur le monde, sont notre priorité visant une meilleure accumulation du savoir et de la connaissance. Il est question pour nous de pétrifier la matière grise, car, je ne le soulignerai jamais assez, la matière grise est bien meilleure richesse que toutes les matières premières conventionnelles, pourvu qu’elle (cette matière grise) soit raffinée et qu’on l’utilise à bon escient, c’est-à-dire en intelligence stratégique.
La connaissance et le savoir sont le piédestal du développement de tout peuple et de toute société. Leur acquisition est indispensable au bien-être de la collectivité. S’il est vrai que personne ne peut naître savant, il est d’autant irréfutable que personne n’a le droit de mourir idiot. Personne ne peut se refuser à maîtriser, fût-ce des données basiques, dans les domaines du savoir, essentiellement la philosophie, le droit, l’histoire. Relativement à cette dernière science quelqu’un a affirmé un jour : « Faute de connaître l’histoire, on se raconte des histoires et ça finit par faire des histoires. » Il est de ce fait impératif, individuellement et collectivement, de pouvoir cultiver le passé afin de mieux se plonger dans le présent et construire la capacité de se propulser à hauteur transcendantale dans l’avenir.
En tant qu’espèce animale, la capacité de l’homme c’est de réfléchir ; oui ! La capacité de l’homme c’est de réfléchir. Mais pas plus antérieurement que ces dernières années, les scientifiques ont confirmé que d’autres espèces animales sont dotées d’une intelligence et donc capables d’une forme de réflexion (la souri, le bonobo, le chimpanzé, la pieuvre et même, semble-t-il, l’hippocampe, un minuscule animal perdu dans les immenses eaux de la mer…). Cela remarqué, il s’agit désormais pour l’homme de bien réfléchir, de toujours bien et très bien réfléchir afin de se distinguer des autres animaux. La capacité de l’être humain devient de réfléchir parfaitement, d’avoir la forme élevée et même la plus élevée d’intelligence. C’est d’ailleurs dans cette optique que Charles Magne a inventé l’école, dans sa forme socialisante au IXe siècle, visant à élever toujours un peu plus le degré d’intelligence de l’homme. Encore faut-il que l’humain s’approprie cet avantage ; preuve s’il en est que c’est lui qui, finalement, découvre l’intelligence des autres êtres tout en étant, en même temps, en mesure d’inventer une intelligence dite virtuelle ou artificielle. L’homme y arrive grâce à son intelligence stratégique.
Les spécialistes de la discipline du management convergent vers une explication de la stratégie qui se décline comme étant le choix et l’application de la meilleure démarche devant conduire aux résultats escomptés : stratégie militaire, stratégie de communication, stratégie politique, stratégie parlementaire, stratégie économique, stratégie entrepreneuriale, stratégie technologique, stratégie éducationnelle… et même les malfaiteurs sont souvent subtiles pour engager une stratégie de malfaisance, qui parfois et même bien souvent leur réussit. Rassurez-vous, ce n’est pas de cette dernière stratégie qu’il s’agit ici. Des Etats, des Organisations, des sociétés multinationales battent la besogne au quotidien pour à tout instant passer du grand marché international à la stratégie nationale d’abord, internationale ensuite. Il s’agit toujours déjà d’une visée devant en principe culminer vers l’eudaimonia : la recherche du bonheur collectif.
Il y a un peu plus de 60 ans, la Corée du Sud était un pays dit du tiers-monde, c’est une expression que je déteste, c’est comme si le monde appartiendrait aux Etats nantis et que les autres seraient contraints de vivre en périphérie, mais aujourd’hui la République de Corée fait partie des puissances économiques mondiales, dans le Top 10 d’après certains classements. D’où vient le miracle Coréen ? (Je m’exprime ici sous le contrôle de Monsieur l’Ambassadeur de Corée du Sud présent en ce lieu !) Il (le miracle coréen) vient de ses universitaires : de ses poètes, ses philosophes, ses historiens, ses juristes, ses sociologues, ses politologues, ses physiciens, ses mathématiciens, ses faiseurs de technologies modernes… Bref, de ses savants et de ses penseurs, de ceux qui cogitent (au sens cartésien du terme), qui réfléchissent, qui conçoivent, ceux qui accèdent à l’élévation par le savoir, la culture, par la convergence des consciences et des mentalités. Les Coréens ont le même cerveau que tous les autres êtres humains, avec la partie émotionnelle et la partie cognitive, un cerveau qui se nourrit du changement et qui refuse de se détruire de la routine. Pour les Coréens d’aujourd’hui, c’est le savoir ou la mort (et il n’est jamais trop tard pour savoir).
La société internationale fonctionnant en terme de mimétisme, la question se pose ici de savoir comment, sous l’inspiration de la Corée (tout en sachant que comparaison n’est pas raison), (comment) pouvons-nous mettre en place une vraie Economie de la connaissance, une réelle exploitation du savoir ? Nous, Congolais, devrions devenir compétitifs en termes de connaissance et de savoir. En clair, le savoir congolais doit pouvoir s’exporter, il doit pouvoir s’exporter mondialement, il devra pouvoir se vendre au prix fort.
Que représentent, par exemple, les enjeux transversaux des relations internationales pour notre pays : l’environnement et la modification du climat, le pétrole et les autres matières stratégiques, la criminalité et les trafics mafieux, les flux migratoires et leurs retombées, la santé comme enjeu global et le combat contre les épidémies meurtrières… En ce qui concerne le réchauffement climatique par exemple, la forêt de notre pays est le deuxième poumon grâce auquel le monde peut encore longtemps respirer. Nous sommes 80 millions de citoyens ; imaginez un instant que chacun de nous décide de couper un arbre… La communauté internationale sera obligée d’intervenir pour éviter une telle catastrophe. Comment le Congolais, sommé de ne plus exploiter sa propre forêt, doit-il être compensé ou re-compensé par tous les Etats du monde qui sont protégés climatiquement grâce à un bien qui lui appartient, c’est-à-dire sa forêt ? Si vous interdisez au Pygmée de la forêt équatoriale de faire son feu de bois, que lui donnez-vous en substitution pour qu’il mange et qu’il vive ? Doit-il sacrifier sa vie pour le bonheur des autres sans qu’on lui reconnaisse ce sacrifice ? Il nous faut profondément réfléchir à cette situation et à toutes les autres (situations) afin de pouvoir proposer au monde la vente de nos réflexions.
Ce qui doit faire la grandeur de notre nation sont nos valeurs : l’éducation, le travail, le respect de l’autre, le respect de la famille, le respect des anciens ou des aînés, la solidarité, l’hospitalité, le patriotisme, la citoyenneté… Il existe deux éléments qui tiennent la vie sur terre : l’« associabilité » (vivre associé, vivre en association) et la coopération, il convient de le savoir et de s’en approprier. Cela va des acquis individuels, on pourra le relever autant de fois, à leur apport dans la vie sociale. Il n’existe pas de démocratie du savoir ou de la connaissance, il n’existe pas de démocratie d’inventivité ou de « savantisme », il n’existe pas de démocratie de la créativité et de l’imagination. La connaissance, même si elle est parfois collective, est d’abord un acquis individuel, elle est héritée de l’effort personnel d’apprentissage, d’éducation, d’instruction, de formation, d’étude, de recherche, d’assiduité, d’observation, d’esprit de culture, d’érudition, de développement personnel… J’entends bien souvent un verset biblique qui se répète quasi quotidiennement dans des lieux de culte et même dans les médias : « Mon peuple périt par manque de connaissance… »
Mesdames, Messieurs !
Vous connaissez suffisamment de choses, je me permets de vous poser cette question : après que l’architecte ait achevé de dessiner le plan d’une maison, par quoi commence-t-on pour la construire ? Il y a fort à parier que beaucoup répondront : on commence par la fondation. Je crois plutôt qu’on commence par un mesurage, puis un quadrillage ou une délimitation par des piquets, enfin on fait des creusets où l’on posera la fondation. La fondation n’est donc pas une première mais une deuxième étape dans l’érection d’un édifice ordinaire. Il faut simplement observer pour le savoir… Si je pose la question à la jeune génération actuelle (on parle aujourd’hui de « génération androïde ») : à quel endroit de l’enveloppe faut-il poser le timbre-poste pour expédition d’un courrier (par voie postale évidemment) ? Presque tous ne sauront déjà pas ce que c’est qu’un timbre-poste, a fortiori l’endroit où il convient de le placer sur une enveloppe… Les invitations que vous avez reçues ont toutes été introduites dans le même sens dans l’enveloppe. Il faut l’avoir appris, il faut le savoir ! Pour chanter « Indépendance tchatcha ! », il ne faut pas être né en 1960 au plus tard, encore moins vivre absolument en territoire congolais : aussi bien des enfants grandissant en RD Congo à l’école maternelle que des artistes ouest-africains sinon quelques chanteurs d’outre continent peuvent bien exécuter cette chanson si populaire hier comme aujourd’hui, pourvu qu’ils l’aient apprise.
Le saviez-vous ? Lorsque les premiers Européens sont arrivés en Afrique subsaharienne, dans un contexte de rencontre antagonique et chaotique par-dessus le marché, entre deux cultures diamétralement opposées sur certains aspects, ils (ces Européens) ont déclaré : « si vous voulez cacher quelque chose aux Noirs, mettez-le dans un livre ! » Pour certains Occidentaux, cette assertion pourrait encore être crédible de nos jours, ou à tout le moins justifiable. « Si vous voulez cacher quelque chose aux Noirs, mettez-le dans un livre ! » Frustrant n’est-ce pas ? Particulièrement pour les sommités de la science, Messieurs les Professeurs d’universités dans cette magnifique salle, Professeurs détenteurs de titre de docteur à thèse, entourés d’un nombre bien suffisant et même parfois débordant de chercheurs opiniâtres… « Si vous voulez cacher quelque chose aux Noirs, mettez-le dans un livre ! » J’ai été tellement horripilé à la lecture de cette déclaration, parce que je suis personnellement un rat de bibliothèque, je fouille et farfouille dans les documents et je souffre parfois d’une boulimie littéraire, tellement désarçonné que je me suis demandé à moi-même qui j’étais ? Eh bien, relativement à cet avertissement, lors de mes recherches prolifiques de doctorat dans les années 2000, je me suis rendu compte de deux choses : ou bien je ne suis pas Noir ou alors l’auteur de cette déclaration s’est trompé d’endroit où cacher des choses aux Noirs, parce que le Noir que je suis était en train de les découvrir.
Mais attention ! Le contexte de l’arrivée des premiers Blancs dans nos sociétés pouvait certainement permettre d’élaborer une telle pensée : le livre classique n’y existait pas à l’époque. Cependant, supposons que quelque Européen d’aujourd’hui, connaissant parfaitement le rapport entretenu par le Noir avec le livre, fût-ce la Bible ou le Coran, justifierait encore fermement cette assertion et douterait de notre capacité à la recherche et à la découverte ; il y a là matière à réflexion. Matière à réflexion pas pour l’Européen aux idées reçues mais pour nous : si l’on se refuse à lire, à chercher pour aboutir à des conclusions, si l’on s’abstient de se documenter et de s’informer, plusieurs vérités ou plusieurs mensonges resteront cachés. Dans tous les cas, les services proposés par l’IRGES s’acharnent à contredire le jugement selon lequel le savoir caché dans le livre serait inaccessible au Noir.
La bibliothèque de l’IRGES est fournie en documents précieux dont le plus grand nombre (50 000) est en numérique (littérature et filmographie). Vous pouvez y puiser à pleines mains : elle vous fait découvrir certainement des choses terriblement incroyables, peut-être affreuses, avec un constat écœurant, stupéfiant, répugnant, ébouriffant, face à des découvertes dégueulasses, effroyables, abominables, détestables, épouvantables, exécrables, monstrueuses (avec certaines vidéos sur le terrorisme, par exemple). Mais notre bibliothèque et notre revue proposent aussi, et c’est bien enrichissant, des choses extraordinaires, des découvertes faramineuses et incommensurables, des trouvailles aux allures de gigantomachie, aux aspects sublimissimes, fantastiques, pittoresques, chimériques, fantasmagoriques, pharaoniques, titanesques, rocambolesques, gargantuesques, pantagruéliques, vous y découvrez parfois des informations abracadabrantesques. Somme toute, une ribambelle de choses aussi merveilleuses qu’interloquant, qui ne doivent en aucun cas être cachés aux Noirs. Venez donc à l’IRGES, cherchez, lisez, trouvez, ne laissez nul document où les yeux ne passent et repassent. Prenez-en plein les yeux et plein les oreilles à travers la filmographie à disposition.
Mesdames, Messieurs !
Je me permets une fois de plus de recourir à une fantastique illustration d’un résultat universaliste de la recherche. Aujourd’hui, dans plusieurs pays occidentaux (imités par d’autres en Asie, en Amérique latine, en Afrique du Nord…), les véhicules circulent en plein jour avec les feux de croisement actionnés (disons avec les phares allumés) afin de minimiser le risque d’accidents. C’est une découverte d’un institut de recherche suédois, est-il rapporté, dans un pays pionnier en matière de sécurité routière; quoi qu’il en soit ce sont des chercheurs qui ont réfléchi et ont abouti à cette trouvaille qui diminue, semble-t-il de plus de 40% le risque de collusion : un véhicule avec feux de croisement actionnés plein jour est plus perceptible que celui qui ne les actionne pas. Il y a seulement une dizaine d’années que cette vérité est mise en pratique dans les pays en question. Cette trouvaille relève d’une étude sur une situation donnée, sur plusieurs situations données.
Et… devant une situation donnée, devant un problème, une crise, un conflit…, il ne s’agit pas tout de suite de mobiliser les moyens, il faut en premier lieu mobiliser la pensée, la réflexion, le savoir, la conception des choses. La maîtrise d’une situation dépend de l’intelligence qui s’exerce face à elle… La peur du terrorisme menaçant le monde entier ne doit pas tout de suite faire agir ou réagir, mais il faut bien savoir, bien scruter le vrai contenu du terrorisme, les tenants et les aboutissants du contexte terroriste. Observez avec moi ! Face à un joueur peu ou prou gravement blessé lors d’un match de football, l’arbitre vient auprès de lui constater le fait, il lui pose une ou deux questions et réfléchit un court instant avant d’appeler les soigneurs. Ceux-ci à leur tour, une fois aux côtés du blessé, prennent de lui les premières informations puis réfléchissent avant d’appliquer les soins…
Je fais fort justement observer que ce n’est pas nécessairement la Police Nationale Congolaise qui doit réfléchir sur ce qu’on peut faire de ces bandes de caïds, vulgairement dénommés Kuluna, qui traitent la capitale du pays en coupe réglée. Car il ne faut pas s’acharner sur la situation (c’est ce que font les responsables sociopolitiques), mais il faut s’acharner sur les leçons à tirer de la situation (c’est le travail de l’expert ou du chercheur). Que peut-on faire des jeunes Kinois du quartier Binza-Delvaux qui grouillent le long de la route de Matadi et s’évertuent à tromper l’ennui et l’angoisse en s’occupant comme ils peuvent ? Dans leur cas comme dans celui des dénommés Kuluna, on peut déjà travailler sur un désenclenchement ou un déverrouillage des mentalités, par exemple, sur leur sens de responsabilité, d’inventivité, en lieu et place d’attentistes, car tout proche d’eux se met à l’œuvre un nombre incroyable de menuisiers producteurs de fauteuil et canapés à même d’être exportés. Les jeunes désœuvrés de Delvaux et d’ailleurs ignorent la phrase répétée de John Kennedy : « Don’t ask, what America can do for you, but what YOU can do for America »…
Il faut tout un village, tout un quartier pour éduquer un enfant, dit la sagesse africaine. Mais comment canaliser la participation de tous à la bonne éducation de l’enfant en question ? Il existe des employés qui ne travaillent pas : mais comment savoir que l’emploi et le travail sont deux choses différentes ? Comment penser que la Méditerranée est le berceau des civilisations, y compris la civilisation noire africaine, car grâce à cet immense espace maritime, l’homme a imaginé l’agriculture, le commerce, il a pensé la démocratie, il a écrit de grandes pages de religions sur base d’invention de l’écriture… ? Comment comprendre que le wax est un tissu ou un tissage d’origine indonésienne, en Asie, fabriqué en marque déposé en Hollande, donc en Europe et massivement consommé en Afrique noire qui finalement lui a prêté ses motifs et même ses noms particuliers ? Comment faire pour désarchaïser et dynamiter un système peu envieux dans la formation universitaire, par exemples ? Comment, comment, comment, comment… ? Difficile de faire jaillir des réponses bien concrètes et bien concises aux questions dont on peut être arrosé, surtout lorsqu’elles se posent en quadrature de cercle, sans pouvoir au préalable s’en référer à des sources orales ou écrites, sans au préalable procéder à la recherche, à une recherche intelligente.
L’intelligence c’est comme la rose de votre jardin : ça s’entretient, ça se soigne, ça se cultive, ça demande qu’on l’exploite avec attention et délicatesse : l’intelligence peut par exemple se dissiper dans la masse, car plus la foule est nombreuse, plus ceux qui la composent se comportent comme des pestiférés, comme des ignorants, obéissant plutôt à l’instinct grégaire. Pourtant, la foule peut développer une intelligence collective. Mais pour cela, il faut l’émergence d’une intelligence individuelle, celle qui se développe dans la personne d’un leader, d’un faiseur d’opinion, d’un vrai guide qui conduira la masse par la pensée, par le savoir…
On le voit bien, en ramenant les choses à leur juste proportion, il ne suffit pas d’être intelligent, il faut encore être stratégique dans son intelligence, il faut procéder avec méthode : c’est là que l’homme devrait se démarque de l’animal brut. Il faut, concrètement, avoir une intelligence stratégique renouvelée, pénétrante, perspicace, efficace et/ou efficiente, celle qui emprunte les meilleures méthodes, les procédés les plus adéquats, la bonne marche à suivre, les vraies recettes : menés à bonne fin, les résultats qu’on aura produits feront nécessairement et à coup sûr avancer la science et la société. Il ne suffit donc pas seulement de chercher, il faut trouver ce que l’on cherche. Le Général Président français Charles De Gaulle a clamé un jour devant un parterre d’universitaires, il a prononcé exactement ces mots : « Des chercheurs qui cherchent on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent on en cherche ! ». Le travail aujourd’hui a pris le sens de production, de trouvaille, de résultat, de transformation :
– Monsieur, Madame, vous travaillez ?
– Oui !
– Qu’avez-vous déjà produit ou transformé ?
– Rien !
– Alors vous ne travaillez pas !
Dans notre monde aujourd’hui, les instituts de recherche (les universités aussi) fonctionnent comme de vraies entreprises, au sens de laboratoire de production. J’entends conduire l’IRGES en manager stratégique, de manière pragmatique, sans procrastination, à la recherche du résultat, du bon résultat, du meilleur résultat. Je veux donner corps à l’IRGES en l’imprégnant du sens d’organisation, de la discipline, de la rigueur, du sérieux, de la méthode, de la précision quasi géométrique comme savent le faire les Suisses, de la finition scientifique, de la structuration, de la capacité de décisions bénéfiques, du sens de la règle et du règlement… J’entends prêcher par l’exemple, car disait Ghandi le Mahatma : « l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, mais le seul (moyen de convaincre) ». Je veux travailler dans une sorte d’alignement des étoiles avec mes collaborateurs, j’entends conduire l’IRGES avec moralité, avec dignité et responsabilité.
Je veux m’inspirer de la palabre africaine : elle n’est pas une polémique ni une opposition, encore moins un jugement ; elle est l’échange du savoir et de la connaissance, de l’imaginatif, de l’inventif, du créatif ; elle est ce choc d’idées capable de faire progresser la communauté, de lui donner une impulsion vers l’avant pour le bonheur de la collectivité. Pour y arriver, mon action est conduite en l’observation du triptyque « res » : « res » comme respect, « res » comme responsabilité et « res » comme résultat.
Mesdames, Messieurs !
Si vous le voulez bien, vous pourrez vous passer de toutes les élucubrations de mon propos, mais je vous prie de retenir une chose pour moi d’importance capitale : dans mon entendement, l’IRGES c’est du haut niveau, c’est même du très haut niveau. Néanmoins, que vous soyez candidat moins performant ou postulant très brillant, vous pouvez y accéder. Personnellement je suis partisan de la formation perpétuelle : repêchage, recyclage, complément de formation, rattrapage, mise à niveau, période sabbatique scientifique, autoformation ou démarche autodidacte… Dans tous les cas, le personnel de l’institut se tient prêt pour vous coacher, vous entraîner, vous roder, poser sous vos pieds le tremplin qui vous propulsera et vous placera au-dessus du lot. Et s’il vous arrive de produire une grande œuvre, retenez que l’œuvre des grands esprits ne leur appartient pas, il appartient au temps et à l’histoire.
Vous pourrez une fois de plus oublier tout ce sur quoi je me suis articulé dans mon propos mais retenez impérativement que j’ai prononcé 11 fois le mot connaissance et 25 fois le mot savoir : je sais que vous avez chacun un rêve, eh bien ! Si ce rêve s’inscrit dans les compétences de l’IRGES, il va en faire une réalité. Ai-je tout dit ? Non ! Il y a beaucoup d’idées que je n’ai pu exprimer : à présent, ce dont je n’ai pu parler, il faut le taire. Si mon allocution vous a convaincu, sachez que l’IRGES se tient à votre disposition, avec toutes les précautions d’usage, pour préparer vos interventions en public.
Je vous remercie !