Jean Didace DIAMA A KIBOBA
Chef de Travaux à l’Université Technologique Bel Campus/Kinshasa-RDC
RESUME
Le monde bouge, l’Afrique bouge et la RD Congo n’échappe nullement au choc. Les années 90 ont été fructueuses, surtout dans le secteur politique avec le déclenchement du processus de démocratisation de la vie politique dans l’ex-Zaïre. Cette situation a aussi impacté l’univers médiatique. On est parti du musellement et de la monopolisation des médias par l’Etat, lors du régime de la Deuxième République, à la libéralisation du secteur avec comme résultat, entre autres, la floraison des radios privées (commerciales, associatives ou communautaires. confessionnelles). Toutes ces radios, dans leurs diverses dénominations, sont présentes dans tous les coins du pays et arrosent d’immenses étendues non couvertes par les médias publics.
Tant bien que mal, ces radios de proximité contribuent au développement des communautés dont elles desservent en leur proposant des émissions diversifiées et parfois interactives axées sur plusieurs aspects du développement local. Malheureusement, à notre humble avis, la programmation des émissions est parfois en inadéquation avec les attentes des auditeurs et le contexte local, parce que, justement, ceux qui ont la charge de la programmation des émissions ignorent certains éléments et facteurs fondamentaux liés à l’exercice programmatif d’une radio de proximité. Par conséquent, elles n’attirent pas les membres auditeurs de leurs communautés respectives.
Cette réflexion est un apport à l’amélioration de la qualité des services que les radios de proximité rendent à leurs communautés qui, du reste, doivent impérativement, dans la confection des grilles de programme, prendre en considération l’essentiel des facteurs contextuels (culturels, temporels, économiques, politiques, économiques, sociaux, etc.) des milieux dans lesquels elles évoluent pour devenir attrayantes.
Mots-clés : Radio de proximité, participation, programmation, proximité
SUMMARY
The world undergoes changes as well as and DRC. In the 1990s, there have been fruitful, especially in the political sector with the beginning of the process of democratization of the political life in the former Zaire. This situation has also impacted the media world.
We started from the muzzling of the media and the monopolization of the media, during the regime of the Second Republic, to the liberalization of the sector with the result, among them, the flourishing of private broadcastings (commercial, associative or community-based). All these broadcastings, in their various denominations, are present throughout the national territory and cover immense expenses not covered by the public media.
In one way or another, these community radio stations contribute to the development of the communities by offering them diversified and sometimes interactive programs focusing on several aspects of local development. Unfortunately, in our humble opinion, Congolese is sometimes inadequate in order to reach the expectations of the listeners and the interests, because, precisely, those who are in charge of the programming of the broadcastings ignore a certain number of fundamental factors related to the programmatic exercises of a proximity radio. As a result, they do not attract receivers from their respective communities.
This analysis is carried out to improvise the quality of the services that local radios provide to their communities, which moreover must imperatively, involve a good planning, taking into account most of the cultural factors temporal, economic, political, economic, social, environment factors in which they work.
Keywords : Proximity radio, participation, programming, proximity
INTRODUCTION
Les médias en général et la radio en particulier sont restés, pendant la colonisation et après l’indépendance, jusqu’au mois d’avril 1990, une affaire du régime politique en place. Les différents moyens de communication de masse qui ont essayé de fonctionner ont été tous sous contrôle du pouvoir politique dans l’objectif ultime de propager l’idéologie politique et de canaliser les points de vue.
De la Radio Congo-Belge à l’Office Zaïrois de Radio-Télévision, on remarque que ces structures médiatiques avaient des missions bien précises leur confié par l’Etat qui, du reste, en était le propriétaire. La population était alors réduite au silence et ne pouvait s’exprimer librement.
Le vent de la démocratie et de la libéralisation de la vie politique a bousculé, en 1990, l’ex-Zaïre dans le secteur des médias. Les questions relatives à la liberté de la presse, au droit à l’information, à la liberté d’expression et d’opinion… refont surface. Et pour rendre effectif ce tournant historique, on a vu naître beaucoup de stations de radio et de télévision appartenant aux hommes politiques, aux confessions religieuses, aux associations et ONG, etc.
Le paysage médiatique congolais, jadis monopolisé, est devenu pluriel et ouvert à toutes les tendances et couches sociales du pays. C’est dans cette mouvance que les radios de proximité vont voir jour même si certaines d’entre elles ont existé avant l’avènement du vent de la démocratie dans les années 90. Leur expansion est encore d’actualité et justifiée par la recrudescence de la guerre à l’Est, la promulgation de la loi du 22 juin 1996 et l’implication de nouveaux acteurs de la société civile et les politiciens qui s’intéressent sans relâche à cet outil de communication de masse pour des fins parfois inavouées.
Toutefois, ces radios de proximité congolaises ont encore beaucoup de défis à relever et beaucoup d’obstacles à surmonter. L’un des défis, non moins négligeables, reste la manière dont les radios programment leurs émissions. Comment alors ces radios peuvent-elles s’y prendre dans la confection de leurs grilles de programme et quels éléments programmatiques auxquels recourir pour accrocher le public ?
Pour répondre à cette interrogation, notre réflexion s’articulera autour de trois points. En premier lieu, il sera question de parler de la radio de proximité. Au deuxième moment, nous nous attarderons sur la participation comme enjeu d’une radio de proximité avant d’aborder, au dernier point, la programmation proprement dite en proposant les axes et éléments constitutifs d’une bonne grille de programme.
I. LA RADIO DE PROXIMITE, QUID ?
Avant de dire ce qu’est-ce une radio de proximité, il s’avère important de dire un mot sur la notion de proximité.
I. 1. Notion de proximité
Le concept « proximité » est défini par le Dictionnaire Universel comme étant le « caractère de ce qui est proche, peu éloigné ».
Dans son ouvrage « Médias et Sociétés » consacré à l’Edition, Presse, Cinéma, Radio, Télévision et Internet, Francis Balle parle de la communication de proximité quand il s’agit d’une aire géographique limitée à une ville ou à l’un de ses quartiers.[1]
Cette proximité peut revêtir plusieurs dimensions dans le cadre d’une communication de masse. Ainsi, elle peut être géographique, culturelle, sociale…. L’intérêt qu’un auditeur accorde aux émissions d’une radio peut valablement être justifié par ces aspects de la proximité qui sont, qu’on le veuille ou non, des facteurs qui impactent positivement ou négativement sur la réception des émissions et le comportement des membres de la communauté, auditeurs potentiels de la radio.
La proximité est un vecteur essentiel de réussite pour une radio. Et c’est d’autant plus vrai pour une radio locale. Aucune chance de maintenir, de consolider ni de faire progresser son audience sans passer par la case proximité. C’est par la proximité que les auditeurs sentent très rapidement si une radio est faite pour eux, ou si ce n’est pas le cas.
I. 2. Types de proximité
D’après J-C Verhaeghe, il y a trois manières de faire de la proximité en radio : géographique, culturelle et affective.[2]
Du point de vue géographique, les gens sont toujours tentés ou soucieux de savoir ce qui se passe, se fait et se dit au sujet de leurs régions, groupements ou villages. J. Kouchner explique clairement cet aspect de proximité géographique lorsqu’il dit :
Les lois de la décentralisation entrant progressivement dans la vie, on s’identifie aujourd’hui plus qu’avant à sa région. Mais cela signifie souvent qu’on est intéressé par les informations issues de la région administrative plus que par les informations issues d’un village lointains, même s’il appartient à cette même région.[3]
Quels que soient les bouleversements sociaux engendrant des déplacements multiples, les hommes restent toujours attachés à la recherche ou la cueillette des nouvelles provenant de leurs contrées d’origine. C’est pourquoi, la philosophie des radios de proximité s’appuie avant tout sur une relation de proximité géographique, philosophie qui conduit nombre de ses membres à refuser l’échange à distance. Car ce besoin d’ancrage local s’accroît proportionnellement à la capacité de mobilité de l’individu. Les temps de relation avec le lointain, grâce à l’Internet, sont devenus hyperrapides, mais rien ne remplacera les temps lents de la relation de proximité. [4]
Du point de vue culturel, il convient de noter que dans beaucoup de régions les cultures traditionnelles sont encore très fortes. Cependant, elles sont confrontées à l’évolution du monde et au brassage important des populations qui, elles, ont leurs cultures différentes, voire opposées, sont sommées de cohabiter, de vivre ensemble.
C’est pourquoi, les radios de proximité deviennent d’excellents médias de perception et d’expression de ces diversités, et doivent être attentives à leur donner un espace suffisant. Cet espace suffisant peut être un lieu de reconnaissance d’une communauté, mais aussi un lieu de rencontre avec d’autres.[5]
L’aspect de la proximité culturelle fait de la radio une nouvelle médiation dans une collectivité hostile, où la crise se démultiplie sous des formes diverses, où le milieu social se délite peu à peu et où l’individu est de plus en plus centré sur soi. [6]
De son côté, André Akoun fait savoir que la radio est peut-être le média le plus accordé à une société de plus en plus diversifiée, de plus en plus soucieuse de « familles », de « tribus » où chacun découvre la jouissance de « l’être–avec » en même temps que la jouissance de la « différence ».[7]
La radio, en tant qu’outil d’une communication de masse de proximité, a l’obligation légitime de tirer sa substance informationnelle de la culture de la région arrosée. La culture entendue comme :
Un système de pratiques guidées par des valeurs et des idées, pratiques intimement liées aux activités quotidiennes et qui influencent autant l’éducation que le travail ou les loisirs. [8]
L’intérêt croissant que les membres d’une communauté peuvent accorder à la radio est aussi fonction de la manière dont cette dernière aborde les sujets d’actualité qui touchent directement au vécu quotidien de la population (à la culture du milieu). C’est de cette manière que la radio de proximité rendra service à ses auditeurs en renforçant le lien culturel et parfois avoir la capacité de résister à l’ouverture de la mondialisation.[9]
Comme média de proximité sociale, la radio a le devoir de parler des problèmes ou des sujets qui font obstacle à l’insertion de certains groupes humains dans la société ; groupes confrontés par exemple aux problèmes générés par des catastrophes naturelles, guerres, destructions ou démolition des quartiers (village), etc.
En le faisant, la radio accroîtrait son audience en restant solidaire avec les gens éprouvés, angoissés, désespérés et également en leur accordant la parole pour s’exprimer. A ce sujet, Jean-Kouchner déclare avec succès que :
Ici comme ailleurs, les gens nous écouteront si nous savons parler de ce qui les touche et leur donner la parole.[10] Et à Jean Charles Verhaeghe d’ajouter : si vous voulez que quelqu’un vous écoute, il faut commencer par lui parler. [11]
Dans ce même ordre d’idées, la radio de proximité doit être aussi un lieu où, sans se substituer aux organes légaux de discussion et de négociation, les gens peuvent échanger des points de vue, discuter autour des problèmes réels que vivent les gens et construire des solutions qui permettront de sortir de la crise. Ceci doit se réaliser en toute convivialité par le développement des contacts entre auditeurs, le respect des gens et la chaleur dans le rapport animateur/auditeur. Comme on dirait non seulement on leur parle, mais on leur tend le micro [12] pour qu’eux aussi parlent.
La proximité psychologique et/ou affective est l’une des caractéristiques de toute radio de proximité. En effet, pour un auditeur, la ligne décroissante de l’intérêt qu’il accorde à une information radiophonique va de ce qui est proche de lui vers ce qui est plus éloigné. Cette ligne peut ainsi être comprise :
L’auditeur : c’est-à-dire que l’auditeur souhaite écouter la radio qui parle de son expérience quotidienne, de son environnement immédiat, de son métier, des évènements auxquels lui-même a participé et auxquels il aurait aimé participer, de ses rêves, etc.
Ses proches : sa famille, ses voisins, les affaires locales ou régionales, la communauté nationale, les pays voisins.
Les gens connus : les personnalités locales, nationales, mondiales, les hommes politiques en vogue, les vedettes…
Les hommes en général : des sentiments ou des préoccupations ayant une valeur universelle, les grands problèmes, les problèmes mettant en cause l’ensemble de la communauté humaine, découvertes de portée mondiale.
Les animaux (ayant un comportement humain), les végétaux et les choses (plantes cultivées et cultivables).
Dès lors qu’un auditeur sait que les émissions de la radio abordent les sujets qui exploitent les matières qui reflètent réellement son vécu quotidien, il sera d’ores et déjà prédisposé psychologiquement non seulement à l’écouter, mais également à l’aimer et à participer à son fonctionnement.
Pendant une catastrophe par exemple, le triage est basé sur un certain nombre de lignes directrices, notamment l’évolution de la proximité psychologique et émotionnelle de la personne à l’événement, ses antécédents de traumatisme et/ou de perte, la présence des réactions au stress aigu ou le caractère proportionnel de la réponse, tout antécédent de psychopathologie et l’accès à des ressources et leur disponibilité.[13]
L’accès et la disponibilité des locaux de la radio de proximité jouent un rôle psychologique non négligeable dans le chef du mental des auditeurs qui voient et accèdent à leur moyen de communication. La radio devient alors un motif de fierté pour la collectivité.
Après avoir élucidé le concept de proximité, il apparaît utile d’élucider le concept « radio de proximité ».
I. 3. Clarification sur la radio de proximité
I. 3. 1. Du sens notionnel
Par composition des concepts, l’on est en droit de dire qu’une radio de proximité est celle qui est proche de la population ou du milieu de ses auditeurs.
Selon R. Malalako, Secrétaire Exécutif National de la Fédération des Radios de Proximité en RD Congo, une radio de proximité est celle qui est supposée défendre les intérêts des citoyens, celle qui informe, qui aide à résoudre mille et un problèmes de la vie de tous les jours, celle où les paroles de tous sont entendues sans discrimination, celle qui fait de l’éducation sa priorité.[14]
A partir de ces deux conceptions, nous pouvons définir la radio de proximité comme étant celle qui dispose réellement d’une communauté-auditoire réelle, potentielle située dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres autour du studio et dont le fonctionnement tient impérativement compte du contexte du milieu arrosé. C’est un type de radio dont les programmes s’appuient essentiellement sur des émissions de services, d’interactivité et de convivialité.
De ce fait, elles sont des radios proches des réalités quotidiennes des populations par leurs informations de proximité. Elles favorisent les débats, créent le lien, deviennent des forums (lieux d’échanges). Selon J. Kouchner, ces radios « relient les habitants du village, du quartier, de la cité, les membres de la communauté… et revendiquent une aire d’écoute restreinte.[15]
Bref, ce sont des radios dont les programmes et émissions s’articulent autour du vécu quotidien des communautés qu’elles desservent. Autrement dit, une radio de proximité est une radio qui parle de ses auditeurs avec les mots de ses auditeurs.
I. 4. Radio de proximité : pour quels avantages ?
La radio de proximité ne s’écarte nullement des bienfaits de la radio en général et des avantages qu’elle offre aux populations mondiales. Toutefois, la radio de proximité offre à ses auditeurs un certain nombre d’avantages qui lui paraissent spécifiques, notamment :
- Elle contourne les barrières linguistiques. A ce sujet, il faut dire qu’il ne s’agit pas seulement de soucier de la diffusion des émissions, mais de s’assurer que les auditeurs comprennent la langue dans laquelle ces émissions sont diffusées[16] ;
- Le fait d’atteindre les hommes dans leur milieu de vie en tant que facteur de développement ;
- La diminution des distances à franchir sur le plan technique ;
- Le rétablissement ou la conservation des liens sociaux.
Au-delà des impératifs techniques, la raison d’être de tout média de proximité, en particulier la radio, est la proximité, synonyme d’appropriation par ses auditeurs, pour reprendre les termes de Jean Kouchner.
Il est tout à fait légitime de penser alors que la proximité soit un vecteur essentiel de réussite pour une radio. Et c’est d’autant plus vrai pour une radio locale. Aucune chance de maintenir, de consolider ni de faire progresser son audience sans passer par la case proximité.
I. 5. Diversité des radios de proximité[17]
Les radios de proximité africaines, estime A.J Tudesq, présentent une originalité qui le pousse à parler de l’africanisation de la radio, c’est-à-dire de prise de distance envers le modèle occidental, par rapport à la presse écrite et la télévision. Cette originalité réside dans l’appropriation de ce média.
Il indique que cette appropriation des radios de proximité par les sociétés africaines présente, avec des aspects variables, des traits communs : participation des auditeurs à la vie de la radio, espace commun à la production des émissions et à leur réception, le plus souvent dans la langue habituelle des auditeurs, la radio constituant le moyen d’expression d’une communauté et pas seulement un moyen d’expression pour la communauté.
Toutefois, même dans ces radios, on observe la diversité des sociétés africaines, de leurs influences et de leurs trajectoires historiques. Cette diversité est à la fois géographique, juridique et structurelle, thématique et sociale.
La diversité géographique joue à triple niveau : d’abord, il y a entre les Etats ceux qui limitent encore la délivrance des autorisations d’émission et de fonctionnement alors que d’autres multiplient les autorisations et les reconnaissances officielles ; ensuite, au sein des Etats, il y a des différences entre les citadins des villes qui disposent d’un accès à plusieurs médias et radios et les ruraux ou les habitants de petites villes qui n’ont pour média accessible dans leur langue que la radio ; enfin, les différences s’observent aussi entre les milieux naturels (radio rurale de pêcheurs et radio rurale d’éleveurs nomades) qui vont naître des préoccupations inévitablement opposées.
Les diversités juridiques et structurelles concernant leur statut introduisent de nombreuses différences dans le degré d’autonomie de ces radios. Il existe des radios locales communautaires dans le cadre de radio publique, des radios communautaires dans les villes, soit privées, soit municipales (comme en Côte d’Ivoire), soit associatives, des radios rurales ou locales communautaires publiques ou associatives, des radios communautaires religieuses.
La diversité des radios de proximité se fait également remarquer dans leurs objectifs à travers leurs émissions et leurs auditeurs. En effet, dans les zones urbaines, où existent plusieurs médias, l’audience des radios communautaire est volontaire et minoritaire, alors que du côté des petites villes ou du monde rural, les radios locales drainent la plus forte audience parce qu’étant le seul moyen de communication de masse accessible pour la population. C’est ce qui renforce l’identification de l’auditeur à la radio de proximité.
I. 6. Objectifs et missions de la radio de proximité
La mission de la station de radio détermine ses valeurs et ses objectifs principaux, exprime la philosophie de la radio, souligne son engagement vis-à-vis de la communauté et guide le travail de son personnel. Plus particulièrement, la mission de la radio de proximité est[18] :
- Le résumé de la vision de la communauté auditoire
- Le résumé de la vision des travailleurs de la radio
- L’expression de la réalité de la communauté (connaissances, attitudes et pratiques)
- La définition de l’identité de la radio
Ainsi, la mission détermine la stratégie de la station à long terme alors que les objectifs sont des véritables repères spécifiques qui aident la radio de proximité à atteindre sa mission. De ce fait, le chef de la station et les producteurs des émissions doivent s’appuyer sur la mission et les objectifs de la radio pour développer une grille de programme pertinente.
Exprimer cette mission et les objectifs d’une manière pratique et garantir en même temps que la programmation reflète la philosophie participative et communautaire de la radio est un défi important au niveau du fonctionnement quotidien de la radio.
I. 7. Fonctions de la radio de proximité
Les fonctions que remplissent les radios de proximité sont nombreuses et diversifiées comme les sont leurs natures et dénominations. Comme médias de masse, la radio de proximité s’évertue aussi à informer, former et divertir. Cependant, il faut reconnaître que les radios de proximité vont même au-delà de ces trois fonctions dites traditionnelles.
A travers le monde, les radios de proximité, quelle que soit leur dénomination, interviennent dans plusieurs domaines de la vie communautaire à côté des radios d’informations générales ou des radios thématiques, etc. Ainsi, depuis leur avènement, les rôles que jouent ces stations radios ne sont plus à démontrer.
En effet, nous pouvons épingler, de manière générale, les fonctions des radios de proximité ci-après :
- les radios de proximité aident leurs populations à identifier des problématiques pertinentes qui seront prises en charge dans tout un programme de sensibilisation via la radio. Parallèlement, des cercles d’écoute qui se seront formés prennent également en compte les préoccupations des différentes populations par rapport aux émissions qui ont été diffusées, sous forme de « feed-back » ;
- les radios de proximité jouent un grand rôle dans les aires géographiques reculées où les médias « conventionnels » ne peuvent pas accéder et où les infrastructures de divertissement font défaut en proposant aux auditeurs de la musique, des sketches, des contes, des jeux, etc. Cette fonction de divertissement de la radio de proximité ne doit nullement être dédaignée. Pour cela, Stéphane Boulc’h souligne que les émissions de divertissement sont moins – et dans la plupart des cas, pas du tout, soumises à des impératifs commerciaux. Elles encouragent par conséquent la diversité et peuvent contribuer à promouvoir et (re)valoriser la création et l’identité culturelle locales. D’autant plus qu’elles servent parfois de canaux à des langues dont le rayon d’expression ne dépasse guère la localité [19];
- les radios de proximité sont aussi des médias d’information des populations surtout lorsque l’on sait que dans certaines régions rurales, ces canaux sont les seuls moyens d’information dans divers secteurs de la vie (santé, économie, politique, culture, environnement, etc.). En tant que telles, ces stations radios peuvent offrir une alternative à l’information dispensée par les chaînes dominantes, non seulement parce qu’elles peuvent poser un autre regard sur l’actualité (régionale, nationale et internationale) mais également elles sont capables de répercuter une information locale négligée par les autres ou basée sur les besoins concrets de leurs auditoires. En Afrique, par exemple, la majorité de la population a été privée d’information. Dans le cadre de la société mondiale d’information, la radio de proximité peut offrir une certaine mesure d’éducation en matière de médias et créer une culture de l’information[20] ;
- beaucoup perpétuent les fonctions de sensibilisation et de vulgarisation traditionnellement dévolues à la radio depuis des décennies. Ceci fait dire à S. Boulc’h que la proximité du média, la possibilité de s’impliquer dans sa gestion comme dans son fonctionnement, offre l’opportunité d’étendre la fonction éducative au domaine spécifique de l’éducation aux médias et d’aiguiser de la sorte le sens critique de la population.[21] De ce travail, les radios de proximité renforcent les capacités individuelles de la population pour un comportement digne et responsable ;
- par la sensibilisation et la vulgarisation, les radios de proximité deviennent inévitablement des interfaces à l’introduction de nouvelles technologies qui influent aussi sur la qualité de vie du monde rural et proposent aux communautés des formations allant dans le sens de renforcer leurs capacités par le truchement des nouvelles connaissances. Ces diverses formations ont pour objectif, entre autres, de doter l’homme du pouvoir décisionnel d’agir, car souvent, le sous-développement est considéré comme une fatalité ;
- les stations de radios de proximité peuvent également être appelées à pallier les carences des infrastructures de télécommunication. En effet, en l’absence de téléphone, elles servent à échanger des nouvelles, à diffuser des communiqués ou des comptes rendus à un grand nombre de personnes à la fois, à fixer des rendez-vous, etc. ;
- les radios de proximité sont aussi utilisées comme tribunes d’expression, de débats et de concertation. Par extension, elles se révèlent être de bons outils de mobilisation pour susciter, par exemple, la solidarité entre les villageois ou solliciter l’implication des membres de la communauté à des travaux d’intérêt commun. Elles sont capables d’écoute à l’égard des idées des populations et peuvent contribuer à leur bien-être spirituel et psychologique beaucoup mieux que toute autre forme de radio ou télévision[22] ;
- grâce aux tribunes de libre expression et de débat, les radios de proximité contribuent à la formation civique et à l’apprentissage de la démocratie en mettant en exergue les notions d’écoute réciproque, de la paix, de la tolérance, de la considération mutuelle… ;
- dans l’accomplissement de leurs tâches, les radios de proximité ont aussi comme fonction la protection de l’identité culturelle. Dans cet ordre d’idées, l’AMARC souligne qu’à l’heure de la mondialisation de l’information et des communications par satellite, la radio (…) permet d’offrir aux communautés un moyen bon marché, mais crucial, de protéger leur langue et leur héritage culturel. La radio peut aussi être utilisée comme moyen de normaliser une langue[23] ;
- en somme, la fonction distinctive majeure de la radio de proximité, et ce par quoi elle se détache des autres radios, est que par tous ses aspects, elle peut contribuer à instaurer une dynamique propice au développement.
II. PARTICIPATION PUBLIQUE : POURQUOI ET COMMENT ?
Le concept de « participation » est appliqué de plusieurs façons et couvre différents champs pratiques. Selon G. Bessette, on l’emploie parfois pour légitimer des approches qui ne sont pas, dans les faits, participatives. Dans certains cas, on dira : « c’est une approche participative puisque nous avons pratiqué les techniques de recherche participative avec les communautés. » En réalité, ces techniques vont de pair avec la compréhension des fondements de l’intervention.[24]
La participation n’est pas synonyme de la mobilisation, qui cherche le soutien et l’adhésion de la communauté, et ne peut nullement se limiter à la consultation qui, elle, recueille les avis et considérations. Elle va au-delà de toutes ces considérations.
Participer est, selon le dictionnaire français, l’ « action de prendre part ou part que l’on prend » et un bon indicateur est donné lorsque les gens prennent la responsabilité de mener à bien une initiative de développement. C’est-à-dire que les membres de la communauté prennent non seulement part aux activités, mais sont engagés directement dans le processus décisionnel et dans la planification de l’initiative de développement.[25]
Pour le groupe de la banque Mondiale, la participation est un processus par lequel les parties prenantes influent sur les initiatives, les décisions et les ressources qui concernent leur développement et en partagent le contrôle[26].
D’après l’ONU, le concept de participation est introduit dans le champ du développement comme le moyen par lequel les citoyens devraient s’impliquer dans le processus de leur propre devenir[27].
A la préoccupation de savoir : Pourquoi la population doit s’impliquer activement dans toute action ou initiative qui la concerne ? Plusieurs raisons sont avancées, en fonction des circonstances, des besoins, des intérêts, des matières, des lieux, etc., pour justifier cette participation.
En effet, une participation réelle et engagée permet de parvenir au progrès, d’accomplir les devoirs civiques, certaines règles démocratiques, de contrôler le pouvoir, de construire une culture démocratique… en facilitant les échanges entre les différents acteurs en vue de cerner un problème de développement commun. C’est ainsi qu’il est soutenu que la façon la plus efficace d’assurer la pertinence culturelle d’un projet est de faire élaborer, réaliser et évaluer celui-ci par ses bénéficiaires. Il ne suffit pas d’impliquer la population locale dans un projet élaboré par des intervenants extérieurs, même s’ils ont une formation professionnelle. La population locale doit être pleinement impliquée dans le projet afin de ressentir que celui-ci lui appartient.[28]
La participation populaire est un exercice conduisant non seulement à l’apprentissage mais aussi et surtout à l’appropriation des actions de développement par les communautés.
Une seconde interrogation relève du comment de cette participation. En d’autres termes, il s’agit de se préoccuper de la méthodologie ou de l’aspect procédural pour aider la population à participer pleinement aux efforts du développement. A ce sujet, plusieurs stratégies peuvent être appliquées et dans l’essentiel, il est question, par exemple, de :
- Organiser des rencontres autour desquelles les problèmes et leurs solutions doivent être objectivement, honnêtement et sans tabou discuté par les membres de la communauté ;
- Encourager les stratégies culturelles qui promeuvent l’expression populaire par le biais du théâtre, du festival, du chant, du loisir, etc. ;
- Assurer à la population que personne ne peut être poursuivie après avoir pris part à une réunion ou pour ses avis, surtout lorsqu’ils sont contraires ;
- Créer un réseau où chacun doit s’insérer et ouvrir un système qui permette de recueillir les doléances et suggestions.
Pour susciter la participation des citoyens, V. de la Renaudie propose quelques facteurs de succès[29] :
- Anticiper: il faut, comme pour toute communication, faire un travail stratégique préalable en se demandant par exemple : Comment toucher les différents publics ? Que veut-on qu’ils sachent ? Que veut-on qu’ils fassent ?, etc. ;
- Etre simple : il est déconseillé de faire usage d’un vocabulaire complexe, de références trop scientifiques, de concept déconnecté du réel, etc. Les mots, images et schémas auxquels on fera recours doivent être simples. Les supports de communication doivent être compréhensibles par tous et s’inscrire même dans une démarche pédagogique adaptée au contexte communicationnel. Il faut sans relâche expliquer le projet, informer et sensibiliser ;
- Etre concret : avec des projets qui rencontrent les besoins réels des communautés, qui viennent résoudre des problèmes sociaux réels auxquels sont confrontées les populations locales en misant d’abord sur les potentialités et capacités locales;
- Favoriser la rencontre : marchés, cafés débats, réunions du quartier ou du village, écoles et autres mouvements susceptibles d’enrichir la matière ;
- Etre créatif : la communication protocolaire n’est plus favorable. Pour susciter intérêt et rendre la participation désirable, rien de tel qu’une démarche de communication créative, même avec un petit budget. Exposition, théâtre de rue, concours, jeux, concerts, visites guidées…sont autant de moyens susceptibles de favoriser la participation populaire ou communautaire.
Aux questions pourquoi et comment de la participation de la population aux initiatives du développement, s’ajoute celle relative aux conditions de succès de la participation communautaire. En effet, il est difficile de susciter la participation des membres d’une communauté sans s’assurer des exigences liées à sa réalisation sur les plans social et culturel. Il s’agit par exemple d’être convaincu que :
- Le consentement des membres est acquis pour éviter au maximum la méfiance, le refus de collaboration, d’intégration et faire de la communauté une véritable machine de combat capable de mouvoir ses membres ;
- La formation et l’information de la population grâce aux structures scolaires et aussi aux médias qui jouent également cette noble tâche de formation et d’information. S’agissant de cette dernière, il faut relever qu’elle doit être bilatérale, c’est-à-dire circuler de haut en bas et inversement. Lorsque la formation et l’information sont assurées, on peut imaginer que la compréhension sera garantie car les gens ne participent qu’à ce qu’ils comprennent ;
- La proximité sociale qui se rapporte aux relations entre les membres de la communauté parce que la participation est incompatible avec un différend profond. Plus un groupe social est homogène plus la participation aura sa chance de réussite. En plus, faut-il noter que la crédibilité se gagne par la proximité[30];
- Le commandement responsable en ce sens l’animateur ou le facilitateur doit être une personnalité qui fasse preuve d’organisation et de direction dans la conduite des rencontres avec les membres de la communauté pour que ces derniers se sentent considérés voire honorés et qu’ils jouent le rôle qui est le leur dans l’aboutissement du microprojet ;
- L’exercice des libertés publiques dissipe toute peur dans le chef de la communauté. Il est pratiquement délicat de s’attendre à une participation réelle et active des membres de la communauté lorsque ceux-ci ont des preuves que la liberté d’expression, d’opinion et de réunion n’est pas garantie dans l’espace social. La participation s’arrime à l’exercice réel des libertés fondamentales de l’Homme.
De manière particulière et en rapport avec les radios de proximité, il s’avère important de faire remarquer que la participation des membres de la communauté ne s’opère pas de la même manière. En effet, les radios de proximité regorgent en leur sein des sous-groupes importants dont les radios communautaires.
Si la radio communautaire qui, par définition et selon l’AMARC, est un organisme de communication indépendant, à but non lucratif, à propriété collective, gérée et soutenues par des gens d’une communauté donnée. Elle est un outil de communication et d’animation qui a pour but d’offrir des émissions de qualité répondant aux besoins d’information, de culture, d’éducation, de développement et de divertissement de la communauté dont elle est issue »[31], il ressort tout nettement que son fonctionnement exige ipso facto la participation maximale du public en tant que médias de la communauté pour la communauté. C’est cette dernière qui, au fait, trace la ligne éditoriale et oriente la politique fonctionnelle de la radio. Donc, rien ne peut se faire et réussir sans elle.
Par contre, les radios commerciales privées ou indépendantes ont aussi besoin de la participation des membres de la communication dans la réalisation et/ou l’animation des émissions par exemple. Cependant, cette participation est faible voire limitée, car la ligne éditoriale et la politique de la radio relèvent du pouvoir de l’initiateur ou du propriétaire qui a mis ses moyens (financiers) pour son installation et la radio demeurera essentiellement le reflet de ce qu’il veut qu’elle soit.
III. LA PROGRAMMATION
Nous sommes aussi convaincus que parler d’une chaîne de télévision ou d’une station de radiodiffusion, c’est avant tout focaliser une attention particulière sur la politique de programmation de cette télévision ou de cette radio.[32] Il s’agit donc de l’agencement des émissions les unes par rapport aux autres qui seront diffusées sur les antennes de la radio ou de la télévision.
III.1. Définition
La programmation, selon le dictionnaire français Larousse, est l’établissement de la liste des émissions, des films ou des spectacles destinés à être diffusés ou montrés (quelque part). En ce qui concerne la radio, il s’agit du développement et de l’arrangement dans le temps de toute la production de la station. Elle comprend une variété de programmes et d formats de programmes : causeries, magazines, interviews, documentaires, bulletins de nouvelles, bulletins d’informations, etc.
Parlant de la programmation, Dominique Wolton[33] fait sortir trois phénomènes de nature différente mais qui ne s’opposent pas entre eux. Selon lui, le premier phénomène est la fonction du calendrier, de structuration. Ceci induit que programmer, c’est classer les émissions en considérant la dimension spatio-temporelle (penser que tel jour à telle heure pourrait être programmé telle émission et pas une autre pour éviter toute cacophonie ou juxtaposition des émissions).
Le deuxième est la distinction entre ce qui relève de l’information et ce qui relève du reste des programmes, car l’information est ce qui se rapporte au monde objectif tel qu’il est, mobilisant le spectateur comme citoyen, alors que le reste des programmes, fiction, sport, documentaire, jeux, le sollicite comme spectateur…
Le troisième aspect porte sur la nécessité de respecter les grands genres de la programmation tout en faisant preuve de l’innovation, de l’imagination et de la création dans la production audiovisuelle.
Il faut souligner que la programmation n’a jamais été une simple gymnastique susceptible de donner des résultats probants à chaque fois. Cet exercice a besoin, comme l’affirme F. Mungenga, de sérieux et de compétence et comme pour toutes les industries culturelles, elle est donc une entreprise où le « risque », c’est-à-dire l’incertitude, est grand. Ce qui explique pourquoi tant d’émissions se ressemblent (pour conjurer le risque par conformisme), pourquoi tant d’émissions ratent (pour avoir mal « imaginé » le public) et pourquoi il existe malgré tout une prime à la nouveauté.[34]
Aujourd’hui, avec la floraison des radios de proximité à travers le pays, beaucoup de directeurs de programmes et/ou initiateurs de ces stations sont à cours d’imagination et proposent à leurs auditeurs des programmes généralistes copiés (on veut faire comme tout le monde).
Aussi, certaines d’entre elles ont cessé de fonctionner parce que les émissions qu’elles diffusaient ne rencontraient pas l’assentiment du public et, du coup, ce dernier s’y est désintéressé. Pourtant, les radios de proximité ont une richesse incommensurable dont le fondement se trouve être dans le vécu quotidien des membres de la communauté et sur base de laquelle la grille de programme doit se poser inlassablement.
III. 2. La programmation : un processus participatif
Un des plus grands facteurs de réussite d’une radio de proximité reste la participation de la communauté au fonctionnement de la station. La grille de programmes, étant un élément boussole, doit être le portrait, le reflet des préoccupations des populations cibles. Dès lors, son élaboration ne peut aucunement se faire en dehors de la communauté au risque de l’exclure.
Plusieurs types de mécanismes peuvent permettre d’impliquer, d’une manière ou d’une autre, les communautés et de faire en sorte que les radios de proximité restent non seulement fidèles mais aussi au service de leurs communautés respectives le plus longtemps possible.
III. 3. La grille de programme : ce qu’elle est et doit être
La grille de programmes est un tableau qui présente les détails des émissions à diffuser chaque jour de la semaine.
La grille de programmes doit être, estimons-nous, l’image de la personnalité de la radio. Elle doit être aussi le reflet des préoccupations de la communauté auditoire. Cette grille, par la nature et le contenu des émissions, doit être en adéquation avec les enjeux réels de développement décelés. Cette grille doit rester dynamique, c’est-à-dire qu’elle doit être évolutive en subissant régulièrement des évaluations pour se réajuster à l’évolution des besoins des auditeurs et, en même temps, faire face à la concurrence d’autres radios.
Il sied de rappeler que la radio s’adresse à une communauté, considérée comme un groupe de personnes ou une collectivité partageant des caractéristiques et/ou des intérêts communs[35], qui a unedynamique interne, des besoins, des aspirations et attentes, des heures de disponibilité, etc.
D’une manière générale, la communauté n’écoute que les émissions qui l’intéressent. C’est pourquoi, avant d’élaborer la grille de programmes, il est nécessaire que les programmateurs puissent identifier l’auditoire potentiel de la radio ; comprendre ses centres d’intérêt ; connaître ses besoins en information ; cerner ses aspirations pour le développement de ses capacités afin de faire face aux problèmes de développement, etc.
Pour comprendre les centres d’intérêt de la communauté, il faut considérer quatre facteurs[36] : le facteur temps ; le facteur géographique (l’auditeur est sensible à tout ce qui se passe près de lui) ; le facteur affectif (famille, argent, mort, etc.) et le facteur socioprofessionnel (questions professionnelles).
En sus, la grille de programmes d’une radio de proximité ne peut ignorer les intérêts et les préoccupations des partenaires au développement, car souvent il est possible de former des partenariats de développement avec eux qui soient au bénéfice de la communauté. Le gouvernement, les ONG(D) ou les institutions internationales ont souvent des programmes qui ont besoin d’être relayés par des radios indépendantes.
Toutefois, prenant en compte la nature indépendante des radios de proximité, il revient de plein droit au chef de la station ou à la communauté de décider à quel point la station peut collaborer avec ces groupes et dans quelle mesure la communauté locale peut également en tirer profit.
Quant aux éléments programmatiques, il est souhaitable que les chefs de stations et les programmateurs fassent particulièrement attention aux aspects suivants :
- La vie quotidienne de la communauté auditoire ;
- Les principales préoccupations de la communauté ;
- Les préoccupations spécifiques des segments clés de la communauté (jeunes, femmes, artisans, etc.) ;
- Un accent particulier doit être mis sur les segments les plus défavorisés ;
- La conservation de l’identité culturelle de la radio et de la communauté ;
- La prise en compte des langues parlées dans la localité et/ou dans la communauté. La prise en compte aussi de la langue des immigrés n’est pas un facteur négligeable ;
- L’intégration des canaux traditionnels de communication (scones, devinettes, histoires, théâtres radiophoniques, etc.) est d’une très grande importance, car ces canaux sont souvent participatifs et interactifs.[37]
Outre ces aspects, les animateurs et les producteurs sont appelés à développer leurs propres concepts basés sur leur imagination, leur créativité et leur sentiment pour la communauté.
CONCLUSION
Tout au long de cette modeste réflexion, nous avons essayé de démontrer que la force d’une radio de proximité réside dans la participation des membres de la communauté quant à son fonctionnement. Même si cette participation diffère selon la catégorie des radios (radios communautaires, commerciales, privées, confessionnelles, etc.), l’on ne peut pas se leurrer, elle reste tributaire, à notre avis, de la manière dont la radio prend en charge les aspirations profondes du public dans la programmation de ses émissions.
Une programmation qui tienne compte des facteurs et éléments, tels que nous les avons ci-haut énumérés et avec comme objectif principal de refléter le réel social et le vécu quotidien de la contrée, reste indiscutablement la clé de succès de toute radio de proximité.
Toute autre logique qui s’écarterait de ce cadre est suicidaire et signerait, lentement mais sûrement, l’arrêt sinon la mort définitive de la station.
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[1] BALLE F., Médias et Sociétés. Edition, Presse, Cinéma, Radio, Télévision et Internet, Montchrestien Lextenso Editions, Paris, 2009, p. 17.
[2] VERHAEGHE J-C cité par D’ORAZIO L., « Radio, un média de proximité et d’interaction. L’exemple d’Alta Frequenza en Corse », dans French Journal for Media Research, Janvier 2014,disponible sur frenchjournalformediaresearch.com, consulté le 27 décembre 2018.
[3] KOUCHNER J., Les radios de proximité. Mode d’emploi, 3ème édition, Métier journaliste, Paris, 2006, p. 163.
[4] SAUQUET M. (S.D), L’idiot du village mondial. Les citoyens de la planète face à l’explosion des outils de communication : subir ou maitriser ?, Charles Léopold Mayer, Paris, 2004, p. 193.
[5] KOUCHNER J., Op. cit., p. 164.
[6] NDIENG P., Radio communautaire, espace public et développement : enjeux et contraintes au Sénégal », dans Revue électronique internationale de sciences du langage, n°19, juin 2013, p. 51.
[7] AKOUN A., Sociologie des communications de masse, Hachette, Paris, 1997, p. 49.
[8] MARTIN M., Communication et médias de masse : culture, domination, Télé-Université, Québec, 2000, p. 114.
[9] WOLTON D., La TV au pouvoir omniprésente, irritante, irremplaçable, Universalis, Paris, 2004, p. 22.
[10] KOUCHNER J., Op. cit., p. 165.
[11] VARHAEGHE J-C cité par D’ORAZIO L., Art. cit., p. 6.
[12] Ibidem.
[13] Disponible sur www.cpa.ca, consulté le 11 novembre 2018.
[14] Fédération des Radios de Proximité de la RD Congo, Annuaires des radios communautaires de RD Congo, 2012, p. 16.
[15] KOUCHNER J., Op. cit, p. 13.
[16] AMARC Afrique et Panos Afrique Australe, Qu’est-ce que la radio communautaire ? Un guide pratique, 1998, p. 3.
[17] TUDESQ A.J , « Médias et transfert de modèles, les radios de proximité en Afrique Sub-saharienne : un modèle autochtone ? », disponible sur www.grer.fr , consulté le 11 novembre 2018.
[18] Disponible sur www.radiopeaceafrica.org, consulté le 21 décembre 2018.
[19] BOULC’H S., « Radios communautaires en Afrique de l’Ouest. Guide à l’intention des ONG et des bailleurs de fonds », dans Hors-série, n°5, Bruxelles, COTA Asbl, 2003, p. 27.
[20] AMARC Afrique, Op. cit, p.3
[21] BOULC’H S., Art. cit, p. 28.
[22] AMARC Afrique, Op. cit, p. 3.
[23] Ibidem, p. 4.
[24] BESSETTE G., Communication et participation communautaire. Guide pratique de communication participative pour le développement, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2004, p. 18.
[25] Ibidem.
[26] HAMENOU K. A., « Degré de participation des populations locales aux projets de « SOS village d’enfants Togo ». Cas du programme de renforcement de la famille du village d’enfants Lomé », Institut International de l’eau et de l’environnement, Master en innovations, développement et sociétés, Ouagadougou, 2009, Inédit.
[27] Ibidem
[28] UNESCO, Changement et continuité. Principes et instruments pour l’approche culturelle du développement, Editions UNESCO, Paris, 1999, p. 146.
[29] RENAUDIE V. (de la), Communication et développement durable. Pour des pratiques plus responsables, Edition professionnelle, Liège, 2014, p. 63-64.
[30] LIBAERT T., Communication(s), Dunod, Paris, 2013, p. 182.
[31] AMARC, site internet de l’Association Mondiale des Radiodiffuseurs communautaires, www.amarc.org.
[32] MUNGENGA F.K., « La programmation télévisuelle Kinoise. Problèmes et défis pour les familles congolaises », dans Revue Africaine de Communication Sociale, Vol. II, n°1, Janvier-Juillet 2007, p .30.
[33] WOLTON D. cité par Ibidem.
[34] Ibidem, p. 31.
[35] AMARC Afrique, Op. cit, p. 15.
[36] Disponible sur www.radiopeaceqfrica.org, consulté le 21 avril 2018.
[37] Disponible sur www.radiopeaceafrica.org, consulté le 21 avril 2018.