Patrick LOSSONGO LOSSIYO
Chef de Travaux à l’Université Pédagogique Nationale et Chercheur associé à l’IRGES, Kinshasa-RDC
RESUME
Depuis son avènement au pouvoir, la stature d’Erdoğan ne cesse de grandir et de bousculer les équilibres géopolitiques et géostratégiques. Il est devenu dans si peu de temps, l’architecte du nouveau rêve turc. Cette réflexion évoque les aspects précis de la communication diplomatique de Tayyip Erdoğan. Les relations internationales pensées et voulues par les maîtres du monde comme un outil puissant pour régenter les Etats en quête d’une vraie indépendance fixent de codes de bonne conduite qui réduisent certains dirigeants du monde comme les suppôts des maitres du jeu international.
Qui a inventé la tournure diplomatique ? Est-ce que tous les dirigeants sont-ils tenus à recourir aux mêmes litotes diplomatiques et aux discours feutres ? Y-a-t-il pas possibilité de voir le monde autrement par de lunettes qui ne sont pas occidentales ? Ces questions certainement ont toujours taraudé la tête d’Erdogan, raison pour laquelle, sur ce point-là, sa personnalité détonne.
Ici, il est question de cogiter sur la personnalité de Recep Tayyip Erdogan et sa vision des relations internationales contemporaines. Surtout en ce qui concerne le dossier de l’adhésion de la Turquie en Union Européenne, il souffle le chaud et le froid, prenant la France, l’Allemagne et la Belgique à contre-pied. Ce grand leader fait et défait les alliances sans n’y voir aucune contradiction. Avec Tayyip Erdoğan, les relations entre les Etats sont souvent faites de ruptures et de rabibochages.
Mot-clé : Recep Tayyip Erdogan.
SUMMARY
Since its rise to power, Erdoğan’s stature has been growing and upsetting the geopolitical and geostrategic balances. He became in such a short time the architect of the new Turkish dream. This reflection evokes the specific aspects of Tayyip Erdoğan’s diplomatic communication. The international relations thought and desired by the masters of the world as a powerful tool to govern the states in search of a true independence set codes of good conduct that reduce some leaders of the world like the henchmen of the masters of the international game.
Who invented the diplomatic turn? Are all leaders obliged to resort to the same diplomatic litany and felted speeches? Is there no possibility to see the world differently by glasses that are not Western? These questions certainly have always tapped the head of Erdogan, which is why his personality stands out in this respect.
Here, it is a question of cogiting on the personality of Recep Tayyip Erdogan and his vision of contemporary international relations. Especially with regard to Turkey’s accession to the European Union, it is blowing hot and cold, taking France, Germany and Belgium against the background. This great leader makes and breaks the alliances without seeing any contradiction. With Tayyip Erdoğan, relations between states are often made of breaks and rabibacities.
Keyword : Recep Tayyip Erdogan.
INTRODUCTION
Dans la zoologie politique, Tayyip Erdoğan est un animal politique parfait. Il anticipe les menaces et réussi toujours à prédire son issue. Un fin stratège, la prévoyance est son point fort, il tente toujours contrôler, ceux qui ont l’habitude de contrôler tout le monde. Bien que n’ayant pas un langage occidentalement « correct », il développe un fort pouvoir de persuasion dans ses discours, et il sait rallier sa communication avec le souci de la conservation du pouvoir.
Dans toutes ses communications officielles, il utilise le discours du pouvoir. Il essaye de jauger celui qui est en face de lui, il fait un pas en arrière, non pas en direction du consensus, mais pour se préparer à obtenir encore plus de pouvoir. Il n’accepte jamais la défaite. A chaque crise, il répond par une autre crise.
Erdogan a fini par comprendre que les maîtres du jeu international poussent leur exigence, leur quête effrénée d’assujettir le monde vers l’instauration d’un ordre international qui exclurait les autres du jeu international. Un ordre obscurantiste avec de litotes floues et inintelligibles. Ou ils représentent les dieux et les esprits, en des seigneurs auto-désignés. Dans un tel jeu international, il n’y a qu’eux qui ont la solution à tout et qui savent ce qu’il faut dire et les autres Etats, cloitrés dans une indépendance imbellicisante, n’auraient droit qu’à acquiescer avec une docilité excessive les calembredaines venues de l’au-delà.
I. DIFFICILE DE L’ENFERMER OU DE L’ENFERRER
Depuis plus de quinze ans, Erdogan garde encore la même hargne d’en découvre avec l’hostilité d’un ordre international taillé sur mesure de quelques nations furent-elles grandes puissances. Difficile de l’enfermer ou de l’enferrer dans un conformisme béat des exigences diplomatiques. Cet ordre international qu’Erdogan s’insurge est hypocrite et discriminatoire.
Il est calqué toujours sur le modèle du concert européen. Digne successeur d’Atatürk, Erdogan ne peut pas se laisser embastiller en politique internationale. Parler comme l’autre, c’est penser comme lui mais avec sa propre tête. Et Erdogan revendique sa liberté de manœuvres et une diplomatie aux mains libres.
Il a appris une autre manière de peser sur le jeu international sans nécessairement utiliser les moyens des puissances occidentales. Utiliser leurs moyens, c’est accepter d’être écrabouillé par le rouleau compresseur de la vision européocentrique. L’agir d’un homme d’Etat en relations internationales identifie en particulier un intérêt à la base de chaque action.
En secouant cet ordre cynique, Erdogan parvient à un bruissement infernal des règles du nouveau jeu international. Tout d’un coup, il y a un grand intérêt très manifeste pour ces puissances prédatrices pour la Turquie que dirige Erdogan, qui était devenue un dédain et une bouderie carabinés par les archi-papes de la politique internationale à l’égard de l’Etat turc.
Voilà le carré magique qui bazarde le semblant d’harmonie entre les Etats sur une ligne des intérêts égoïstes et factices. Le successeur d’Atatürk, parvient aujourd’hui à pousser l’esbroufe aussi loin. Des bruissements embrouillent le jeu international et le langage diplomatique des hommes d’Etat, mais Erdogan parvient malgré tout à se faire entendre en criant plus fort que les Etats relais de puissances occidentales dans le Moyen-Orient.
Ceux qui exigent de discours feutres sont les premiers à communiquer dans le brouhaha et le tintamarre du jeu international. Une diplomatie à l’international qui humilie, qui fiche la trouille face à l’incertitude du système international mondialisé. Aucune litote diplomatique bien dosé ne peut amadouer le caractère abrupt de la vie internationale. En vérité, le jeu diplomatique du langage miroitant et mirobolant n’accouche pour des Etats faibles et non-occidentaux que des nains dialectiques n’ayant d’autres symboles que le verbe haut. Ils se titillent et se narguent dans le conflit Syrie, israélo-palestinien, l’extradition de Fethullah Gülen. Sans plus !
Aujourd’hui, qui peut nier la quête constante d’Erdogan d’une organisation politique qui serve la stabilité et surtout l’unité turque. Car, il est très conscient que pour être une nation digne, la Turquie doit être politiquement organisée de façon durable, et que, cette stabilité pouvait et devait être servie par le principe démocratique. Il sait aussi qu’une unité politique en Turquie sans un rôle au Moyen-Orient ne serait pas profitable. Le plus grand mérite d’Erdogan dans le jeu diplomatique mondial, c’est son pragmatisme, sa forte capacité d’adaptation et d’ajustement politique au nouveau contexte, preuve d’une sensibilité et d’une intelligence politique magnifique.
C’est ce qui fait que la Turquie soit devenue aujourd’hui, une nation mure, dirigée par un président très mature, son combat politique n’est pas personnel ; la Turquie et son indépendance sont des impératifs. Le jugement géopolitique prévale sur l’analyse dans la capacité de sauver la nation, de faire triompher la cause de la souveraineté et de l’émergence économique de la Turquie. De son avènement, Tayyip Erdoğan voulait se faire crédible ; il devait poser les jalons de son projet pour mieux agir et contourner les pièges du jeu international.
L’enjeu de sa rhétorique diplomatique est de parvenir au renouvellement du destin de la Turquie et de son peuple. Cela montre combien le génie politique Tayyip Erdoğan est grand, et digne d’admiration ; et les turcs qui ont compris qui il est pour eux, sortent des stéréotypes et des projets du vide véhiculés par des ennemis d’une Turquie qui émerge et renouvellent leur attache aux idéaux du successeur d’Atatürk. Il ne peut pas se contenter d’une Turquie vaincue, affaiblie qui ne doit recevoir qu’un rôle secondaire dans un Moyen-Orient dominé par les puissances obscurantistes et du mal.
Construire la paix régionale devint l’essentiel de la politique et de la diplomatie. Il incarne les grandes évolutions de son pays au cours des trente ou quarante dernières années. Il symbolise peut-être mieux que personne cette fameuse “synthèse turco-islamique” théorisée par le général Kenan Evren, fils d’un imam et dirigeant de la junte militaire au pouvoir en Turquie entre 1980 et 1983. Il fut chargé de briser la contestation de gauche en s’appuyant sur l’islam.
Le parcours personnel d’Erdoğan traduit d’abord cette somme d’influences hétérogènes : politiciens, savants religieux, militaires, hommes d’affaires, intellectuels, sportifs, artistes, islamistes, laïcs, libéraux, anciens communistes, nationalistes adeptes du panturquisme… Erdoğan est un omnivore de la politique, qui avance en se nourrissant de tout ce qui est opportun, en s’appuyant sur ce qui lui semble le plus efficace pour consolider son pouvoir. C’est cette identité complexe que nous allons tenter ici de percer à jour.
Du point de vue occidental, Erdoğan éprouve parfois des difficultés à appréhender les codes d’un monde où le verbe compte autant, sinon plus, que l’action. C’est un homme politique. Il ne prend pas de recul par rapport aux déclarations des uns et des autres. Tayyip Erdogan a également été servi par une situation internationale à laquelle il a largement contribué. Son pouvoir est dernier marqué par le retour de la Turquie sur la scène internationale, une fierté qui masque évidemment de nombreuses faiblesses. La force est une valeur historiquement respectée en Turquie, qu’Erdogan cultive, sous ses diverses formes, avec une constance remarquable. La tension avec l’Occident est pour lui l’occasion de montrer que la Turquie est une puissance redoutée.
Nous voudrions dans cette avant-dernière section de cette brève présentation de l’histoire politique turque indiquer la place et le rôle du leadership politique, notamment le rôle du président Tayyip Erdoğan, dans la restructuration de la stature internationale de la Turquie de l’émergence économique.
II. LE PARFAIT EMANCIPATEUR
Les turcs voient en Erdogan le parfait émancipateur, un dirigeant qui a toujours la conviction d’être prêt. Le précurseur d’une Turquie de la mondialisation, un vrai leader, un homme d’Etat véritable. Erdoğan est né en 1954 à Istanbul, dans le quartier populaire de Kasımpaşa, sur la rive septentrionale de la Corne d’Or, à l’ouest du détroit du Bosphore.
Le jeune garçon reçoit comme prénoms Recep, son mois de naissance selon le calendrier musulman, et Tayyip, le prénom de son grand-père, qui reste son prénom d’usage. Deux liens qui, on le verra, ont eu leur part d’influence sur la personnalité du leader turc. C’est dans l’environnement dans lequel il a fait ses premiers pas, dans les ruelles escarpées de Kasımpaşa, qu’il faut se projeter pour tenter de prendre la mesure de l’immense popularité du “reis”[1] de la Turquie et de son rapport au pouvoir.
Dans l’imaginaire stambouliote, Kasımpaşa est l’arrondissement malfamé des bateleurs et des petits caïds. Et la légende de Recep Tayyip Erdoğan emprunte beaucoup à ce récit folklorique populaire. “Il y avait de la terre partout, on s’enfonçait, dans la boue, on y tombait, nous nous relevions. Avec mes amis, on faisait de la lutte, nous étions bagarreurs”, raconte Erdoğan en 2001. D’après les témoins de l’époque de Kasımpaşa, dès son plus jeune âge, il aimait faire le coup de poing, ajoute le journaliste politique Hasan Cemal, qui a connu de près l’ancien maire d’Istanbul, dans les années 1990.
C’est donc dans les rues de son quartier qu’il fait ses armes, qu’il improvise ses premiers discours, rameute ses premiers compagnons. Selon un ancien voisin du quartier, adolescent, Erdoğan grimpait sur un podium installé dans la cour de la grande mosquée de Kasımpaşa, pour haranguer les fidèles, et remplaçait parfois l’imam pour lire le sermon. Sur le chemin de retour de l’école, en marchant le long de la Corne d’Or, il montait sur le pont d’un bateau abandonné et déclamait des discours à un auditoire imaginaire, rapporte pour sa part le psychiatre Cemal Dindar, auteur, en 2007, d’une “psychobiographie”, intitulée Colère et soumission.
Son ouvrage, l’un des premiers à étudier le personnage à travers un prisme psychologique, fait le lien entre l’environnement de jeunesse de Tayyip et son ascension politique. Entre ses origines familiales et son goût du pouvoir.
Le « jeune militant islamiste enflammé » qu’il est, dixit le journaliste Kadri Gürsel, rejoint tout naturellement le Parti du salut national (Milli Selamet Partisi, MSP), vitrine du mouvement islamiste fondé par Necmettin Erbakan en 1969. Il est nommé à la tête de la branche jeunesse pour l’arrondissement de Beyoğlu, auquel Kasımpaşa est rattaché, puis chef du bureau local.
Dans les années 1980, il mène ses premières campagnes électorales pour tenter d’arracher la mairie de Beyoğlu aux partis traditionnels de l’establishment. C’est de Kasımpaşa qu’il lance sa conquête du pouvoir. Lorsque nous avions vingt ans, nous nous sommes connus en 1975, c’était déjà lui le chef, le « reis », c’est lui qui prenait toutes les décisions, se souvient Hüseyin Besli, originaire de Çengelköy, quartier situé sur la rive asiatique du Bosphore. Kasımpaşa, c’est une histoire, être de Kasımpaşa, ça vous confère une culture singulière, car c’est un territoire où l’être franc et brave s’ancre dans une longue histoire[2], déclare lui-même Erdoğan en 2000, alors qu’il s’apprête à fonder le Parti de la justice et du développement l’année suivante.
L’homme transforme son caractère colérique en atout. Il en fait une marque de virilité et de puissance, un lien avec le peuple. Un Kasımpaşalı, habitant de Kasımpaşa, désigne une personne brutale, impulsive, rustre, un kabadayı, le tonton macho et grossier.
C’est la relation établie entre la fonction des partis et le rôle politique de l’opinion publique qui impose le style de leadership, la marque d’un savoir-faire politique au sommet de l’Etat turque, l’AKP ne devant pas se confondre avec l’Etat. L’importance sans exagération du rôle clé du président Erdogan dont les choix notamment en politique étrangère n’ont pas toujours fait l’unanimité dans la classe politique turque ou dans l’opinion, vient rappeler cette pertinente observation de l’écrivain russe Léon Tolstoï selon laquelle, il n’y a point des grands hommes qui font l’histoire, mais c’est plutôt l’histoire qui a fait ou qui fait de certains hommes qu’ils deviennent grands au gré bien sur des circonstances.
Tayyip Erdoğan est par excellence ce genre d’homme ordinaire mais qui au contact du destin s’est révélé être son incarnation. Ses choix en politique étrangère permettent à la Turquie aujourd’hui dont certains Etats se méfient et que l’on plaçait sous tutelle pour les besoins des conjonctures stratégiques dans le contexte de la guerre aux menaces transversales de recouvrer sa pleine souveraineté et sa liberté de manœuvres stratégiques.
Le leadership politique de Tayyip Erdoğan apparaît comme l’indispensable aiguillon du système ; c’est pour prendre une métaphore, un peu comme la langue sans laquelle, rien d’audible ne peut être rendu. La clarté et la musique du son lui sont redevables ainsi que l’intelligence des mots. Il y a lieu de préciser que l’ère Erdogan permet une démocratie stable conciliant le jeu des forces politiques avec le pluralisme des centres de pouvoirs géographiques. Et dans tout cela le rôle historique du président Erdogan reste dominant.
L’auteur du livre : « la démocratie inachevée » pour qui la démocratie ne peut pas avoir une histoire. Car elle n’est pas la volonté générale. La démocratie, affirme-t-il a pour signification la construction de l’histoire d’une communauté ou d’une collectivité, la souveraineté populaire n’étant pas la dictature de l’instant. Erdogan a réussi à construire un pouvoir stable dans un contexte international qui lui était au départ défavorable. Il a mobilisé sa capacité à dépasser le passé, pour se donner un futur.
On juge le sens d’un leadership responsable non pas par sa capacité à résoudre les problèmes, à penser un avenir de paix mais par sa préparation à survivre aux accidents de l’histoire. Il n’a qu’un seul rêve géopolitique rétablir la puissance turque et obtenir la reconnaissance de cette puissance retrouvée. Le président Erdogan est la clé de voûte du système. Il ne peut pas être ordinaire. Il est le détenteur symbolique d’une histoire qui le dépasse, qui est d’avant lui, même d’avant Atatürk. S’il y a une qualité dans la personne du Président Erdogan, c’est qu’il a toujours su incarner la fonction.
Pour vendre sa campagne militaro-politique contre les Kurdes, par exemple, Erdoğan n’hésite pas à invoquer le passé ottoman. Il existe une forme de nostalgie, en tout cas une volonté de la part de Tayyip Erdogan de se faire une place dans l’histoire turque, dans la lignée, non seulement, de grands sultans, mais aussi, de Mustafa Kemal.
Tayyip Erdoğan utilise pour cela les références et les symboles impériaux : pour un meeting de campagne à Sarajevo, il a été accueilli comme « le sultan » ; après chaque victoire électorale depuis 2014, il va prier à la mosquée d’Eyyup, sur la Corne d’Or, là où se rendaient les sultans après leur sacre ; les références à Selim ou à Abdülhamit II, son modèle, sont de plus en plus présentes dans le discours politique…
Il cite très souvent Fatih, le triomphateur de Constantinople, ou Selim, qui fut l’homme de la conquête de l’Egypte et de la Syrie au XVIe siècle. C’est d’ailleurs à la date exacte de l’invasion de la Syrie par Selim qu’Erdoğan a choisi d’envoyer ses troupes à Jarablus en Syrie, le 24 août 2016, juste après la tentative de coup d’État.
Son agir politique est teinté d’une certaine nostalgie impériale qui prend des formes multiples : architecturales, culturelles, politiques. Son leadership incarne une certaine combinaison islamo-nationaliste. Une posture qui s’explique par les menaces de plus en plus grandes que l’Europe et les Etats-Unis représentent pour son pouvoir suite qu’ils apportent aux kurdes de PKK. Et surtout, l’asile que les Etats-Unis ont accordé à Fetullah Gülen.
Ces enjeux peuvent être comparés par rapport à une certaine époque où la Turquie était convoitée, dépecée par les grandes puissances. Dans sa casaque d’émancipateur, Erdogan a redonné au peuple turc le sens de la liberté, et aujourd’hui, le peuple turc n’est ni esclave, ni serf, ni prisonnier, ni résigné, ni soumis à l’arbitraire de l’impérialisme. C’est aussi dans le principe de la liberté que réside l’élan du dépassement. L’homme, disent les philosophes, n’est véritablement libre que dans sa réflexion et sa lucidité, notamment dans la connaissance de ses limites.
L’histoire de la Turquie du XXI siècle ne saurait s’expliquer sans référence aux aptitudes politiques de Tayyip Erdogan, le défenseur des grandes mutations géopolitiques avec leurs faits majeurs qui ne cessent de propulser la Turquie au panthéon de grandes nations de ce siècle. Au cœur de la trame des bouleversements politiques que connaît la Turquie, se trouve adjoint, de manière sempiternelle, le nom d’un véritable successeur d’Atatürk : Recep Tayyip Erdogan. Sa vision géopolitique ne cesse d’entraîner le tournant de l’histoire dont la Turquie et la région du Moyen-Orient sont toutes à la fois témoins et bénéficiaires.
En replaçant la Turquie dans la galaxie du système mondial globalisé, Erdogan a tout fait pour que la Turquie de la mondialisation ne redevienne plus l’otage du syndrome de sèvres qui a longtemps caractérisé par le peuple turc. Car, la survie d’un grand peuple n’est possible que lorsqu’il parvient lui-même à avoir le courage du changement.
III. LA FIN DU SYNDROME DE SEVRES
Au début de son pouvoir, la politique étrangère turque était prisonnière du syndrome de sèvres, une attitude presque paranoïaque qui semblé justifier le repli nationaliste du régime d’Erdogan. Mais plus de quinze ans après, la Turquie d’Erdogan semble avoir surmonté la peur de se voir de nouveau taillée en pièces comme à l’issue du traité de Sèvres.
En renforçant la politique de défense et la politique étrangère de son pays, Tayyip Erdogan, transforme la peur que la Turquie avait à une réelle assurance de sécuritaire et diplomatique. Sa montée en puissance est perçue aujourd’hui par les puissances occidentales comme une menace. Une réelle menace.
Les puissances craignent que le président turc puisse se servir des migrants et des djihadistes comme d’une monnaie d’échange. Ou encore s’il excite le nationalisme anti-grec, au risque de relancer des conflits territoriaux. Et la Turquie joue de son influence auprès de gouvernements et d’institutions européennes. Tout cela constituerait une menace et risquerait d’aboutir à une probable décomposition de l’ordre géopolitique sur le sol européen.
Que ce soit la question des migrants, le renseignement sur les djihadistes, le dirigeant turc sait parfaitement exploiter politiquement les faiblesses de ses adversaires. Il est sûr d’être sur la bonne voie pour son pays, dont il souhaite restaurer la stature sur le plan international, consolider l’influence sur son environnement proche, tenir tête aux grandes puissances. Et cela après autant d’années de grandes humiliations. Et cette vision d’une Turquie de la renaissance est validée par les Turcs.
La conscience, dit-on, précipite l’homme dans le temps et dans l’espace ; elle le sort du passé qui le tourmentait et l’abrutissait et le projette dans un avenir plein de promesses. En tout cas, le peuple turc n’est plus dupe, il s’occupe lui-même de son avenir qu’il considère comme une véritable vie à venir !
Sous le leadership d’Erdogan, ce peuple développe la dynamique d’un peuple déchainé, qui a soif de se déchaîner davantage ! Les temps ont changé, les peuples ne sont plus les mêmes, les Etats aussi. Tayyip Erdogan a aidé les Turcs à comprendre que l’on ne peut pas réussir à déranger l’Etat tous les jours et chaque fois !
Le peuple turc est un grand peuple. Il appartient à la race des géants, des hérauts et de braves gens capables de tenir la lampe et d’agiter la lumière au cœur des ténèbres du Moyen-Orient. Erdogan en un bon leader-planificateur, réussi aujourd’hui à réinscrire son pays dans le concert des Nations. Par lui, la Turquie est redevenue une puissance, un Etat crédible et capable de faire entendre sa voix et de protéger son champ géopolitique.
Il n’y a pas non plus de honte à prononcer un aveu de mérite à l’égard d’un leader qui va de l’avant et qui passe d’un succès à un autre. Après tout, le chef est comptable, devant son peuple, de ses actes, de ses succès ou des défaites.[3]
Au début de son pouvoir, les chancelleries occidentales voyaient dans le chef de Tayyip Erdogan un bon tacticien, et en revanche un mauvais stratège. Mais en réalité, il se révèle être à la fois un fin tacticien, et un grand stratège. C’est quelqu’un qui a des objectifs et une stratégie par rapport à la région du Moyen-Orient. Son idée est que la Turquie doit être respectée comme une puissance régionale dans cette région.
Quatre thèmes récurrents continuent d’ « alimenter » le complexe de Sèvres auquel s’ajoute le rejet de la candidature d’adhésion turque à l’Union européenne et ardemment désirée par l’AKP. La question kurde a été ravivée en 1997, après une trêve avec le gouvernement d’Ankara, le PKK reprend les hostilités.
La question arménienne, la reconnaissance par la France du génocide a ravivé les tensions en Turquie et laissé exploser la colère des nationalistes. En Turquie, il existe un débat sur la question arménienne, débat notamment mené par les intellectuels Orhan Pamuk ou bien encore Elif Şafak qui, dans un ouvrage Le bâtard d’Istanbul ose lever le voile sur un vieux tabou : le génocide arménien.
En revanche, toute cette agitation intellectuelle a créé une réaction nationaliste à la fois dans les milieux officiels et dans d’autres cercles « intellectuels ». Ces derniers nous ont accusés, depuis le début, d’être à la solde des « puissances étrangères » qui veulent diviser la Turquie. Cette réaction, conceptualisée comme le « syndrome de Sèvres » une référence directe au Traité de Sèvres de 1920 ayant démantelé les restes des territoires ottomans, est très habituelle en Turquie.
Cette histoire officielle est tellement basée sur l’amnésie collective et sur la négation des faits de purifications ethno-religieuses du début de la construction nationale turque, les appareils idéologiques de l’Etat (discours politique, éducation, justice, media…) sont tellement mobilisés pour créer un dogme où les Turcs sont seuls au monde face à des ennemis internes et externes, que la remise en question de cette vision a suscité un sursaut nationaliste et conservateur, associant toute tentative de pluralité historique à une volonté cynique du démembrement de la Turquie.[4]
En 2003, les Etats-Unis déclarent la guerre en Irak et la Turquie pour des raisons stratégiques leur refuse le survol de son territoire. La théorie du complot résulte pour partie, de la peur de voir le conflit s’étendre à la Turquie. L’image des Etats-Unis oscille entre celle d’une puissance mondiale alliée de longue date, et celle d’une force impérialiste œuvrant à l’affaiblissement de la Turquie.
Dans son ouvrage Tempête de métal, Uçar, O Turna, déclare que : Les pertes civiles sont importantes. Mais l’esprit des « Kuva-i Milliye », la résistance populaire de la Guerre d’Indépendance, se réveille ; la « nation » s’unit et se mobilise : les citoyens organisent des meetings et rallient la guérilla aux cotés de « leurs » soldats, dirigés par l’Ergenekon, une organisation secrète dédiée à la sauvegarde de la nation. La guérilla et l’ordre public passent sous son contrôle dès le début de la guerre.[5]
Au-delà de la volonté américaine de contrôler, la Turquie, il y a aussi la détermination quasi sempiternelle de l’Union Européenne qui exige trop de sacrifices à la Turquie et notamment d’abandonner une partie de sa souveraineté à son profit. Ce que la Turquie d’Erdogan refusera toujours, car la pensée kémaliste s’est toujours opposée à toute idée d’abandon de souveraineté.
Du point de vue géopolitique, le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE risque de transformer ce grand pays « en un Etat vassal ». Les exigences européennes relatives à l’adhésion de la Turquie est une colonisation qui ne dit pas son nom.
Plus grave encore, l’entrée dans l’Europe de Bruxelles sonne le glas de l’identité turque. Pour Suat Ilhan : Nous avons été en lutte 500 ans avec l’Europe, et nous voulons intégrer une telle société. La révolution turque est originale… Nous devons avoir en mémoire l’exemple des Turcs Tabgaç qui se sont fondus en Chine.
L’exemple des Turcs Tabgaç n’est pas anodin car il s’agit d’un épisode de l’histoire des Turcs dont on trouve mention sur les stèles de l’Orkhon. Ces Turcs se seraient laissés séduire par la civilisation chinoise, brillante et fastueuse et auraient perdu ainsi leur « turcité ». C’est le péril que veut dénoncer Suat Ilhan en parlant de l’Europe pour lui corruptrice des idéaux de la société turque.
La solution n’est pas européenne ni même américaine, elle est eurasiatique ! Cette idéologie a vu le jour sous la plume d’intellectuels russes, géographes comme Savitsky ou historiens comme Vernadsky, souvent grands spécialistes des cultures turques et mongoles, réfugiés à l’ouest après la révolution d’Octobre. Cet eurasisme met en exergue la notion de synthèse culturelle entre Orient et Occident, portée par le peuple russe.
L’historien Alexandre Benningsen avait coutume de dire, que pour comprendre la Turquie, il faut voir la continuité dans la discontinuité et vice-versa, une idée tout à fait pertinente, car aucune idéologie n’est jamais vraiment éliminée de la vie politique ; c’est le cas du rêve ottoman qui a été remis à l’ordre du jour par le Président de la République, Turgut Özal (1927-1993) qui, faute de temps n’a pu faire aboutir l’idée. Le néo-ottomanisme porte essentiellement sur des visions stratégiques destinées à recréer un Empire fondé sur l’influence, beaucoup plus que sur la possession de territoires.
Ahmet Davutoğlu a proposé une approche néo-ottomane qui cherche à rétablir la « profondeur stratégique » de la Turquie sur les territoires auparavant occupés par l’Empire ottoman, par le biais du « soft power ». Ahmet Davutoğlu n’a fait que reprendre l’idée maîtresse de la politique de Turgut Özal dont le principal objectif du néo-ottomanisme était d’améliorer les relations économiques, culturelles, politiques, diplomatiques et militaires avec les voisins musulmans et les Balkans. Cette vision de l’avenir du pays est un renoncement à la politique étrangère kémaliste axée sur l’identité nationale de la Turquie débarrassée de ses attaches moyen-orientales et dont la politique étrangère était tournée vers l’Occident.
La Turquie d’Erdoğan avance vers son projet néo-ottoman, il s’agit d’une sorte de revanche sur l’histoire et qui est compréhensible dans la mesure, où près de cent après le pays, souffrent toujours du « syndrome de Sèvres ». A travers ce projet néo-ottoman, le président n’ambitionne certainement pas d’étendre les possessions territoriales de la Turquie, mais plutôt d’élargir la sphère d’influence du pays.
On pourrait penser que la Turquie se repositionne sur l’échiquier proche-oriental du fait du refus ou en tout cas des atermoiements européens à son égard, cependant la Turquie n’a pas délaissé l’Europe puisque le renouveau néo-ottoman de la Turquie s’illustre tout autant par le rôle de la Turquie dans les Balkans où Ankara cherche à rapprocher serbes et kosovars et à développer des partenariats économiques.
IV. LE REFUS D’UNE TURQUIE SOUS PERFUSION
Développer un Etat dans un contexte mondial de la prédation, c’est savoir construire une politique du refus constructif. Et dans le cas de la Turquie, Erdogan a réussi à construire une république qui refuse l’autodestruction, une Turquie qui se concentre tellement sur le côté positif de son existence qui prend en compte ses atouts et les potentiels extraordinaires dont elle dispose.
Tayyip Erdogan a une autre vision de la Turquie, une vision de la renaissance, de l’émergence et du progrès. Une vision qui lutte contre les violences, les tares, les pathologies et les antivaleurs. Une vision qui réhabilite la Turquie dans sa grandeur et la rend un Pays respecté et respectable dans le jeu international. Et Erdogan se complait à donner cette image au monde dans un miroir tellement grossissant. Il exalte le nouveau pouvoir créateur turc.
Il y a ensuite le refus d’une Turquie sous perfusion. Une Turquie qui déploie avec engagement et de manière stratégique des logiques de puissance, de progrès, de recomposition géopolitique et du redressement du leadership turque au sein d’un ordre international où seuls comptent pourtant, dans le développement des peuples, les énergies de la foi en soi, de la confiance en ses propres capacités compétitives et de la lutte contre les pathologies et les léthargies qui affaiblissent l’esprit d’invention des nations. La gouvernance d’Erdogan inscrit la Turquie dans une perspective inventive, contre les pesanteurs du fatalisme, du défaitisme, du pessimisme et de l’accoutumance au désordre.
Depuis son avènement, ce ne sont plus les puissances prédatrices qui décident du sort de la Turquie. Il développe une gouvernance de la responsabilité et du dynamisme concret et de transformation sociale. La politique étrangère de la Turquie du XXIe siècle se décide à cette échelle des valeurs essentielles dont la quête du leadership régional et de la puissance sont la pierre d’angle. Une politique étrangère qui donne à la Turquie une indomptable capacité d’être bâtisseur de sa propre destinée par le refus de toute domination occidentale et par la libération de ses énergies inventives et innovatrices face à des problèmes concret et aux enjeux vitaux de l’existence.
Avec une telle vision, du coup, Erdogan devient une personnalité porteuse d’énergie vitale. Un homme avec une réelle conscience historique porteuse de volonté de transformer la Turquie. Les nouveaux équilibres géopolitiques ont capté cette urgence de changer de cap. Le développement, tout comme l’émergence de la Turquie ne doit pas être imposée d’en-haut par les puissances capitalistes ni décidée dans des capitales occidentales par les Nations Unies ou les grandes puissances internationales.
Erdogan assume ainsi l’héritage d’Atatürk dans ma propre vision politique, sur la base des réalités de la Turquie qui est l’expérience de fond pour la grandeur géopolitique de l’Etat turque. Il n’est pas ce grand dictateur que l’Occident nous fait croire, Erdogan réactive le nationalisme turque et l’impose comme vision du monde contre une Turquie qui était considérée autrefois comme le suppôt des Etats-Unis dans la région.
Il a réussi à échapper à cette logique qui voulait que tout dirigeant turc soit l’homme des Américains dans la région. Il est forgé dans sa vision qu’il a de la Turquie par les mutations de l’ordre géopolitique mondial. Il a compris qu’une telle chienlit exige des méthodes, fortes d’unité nationale de son pays. Sa vision géopolitique reste la même après plus d’une décennie à la tête de la Turquie : construire un Etat, une nation et une idéologie unitaire pour sauver la Turquie dans l’ordre du désordre mondial.
CONCLUSION
Un homme d’Etat exceptionnel animé par un amour d’une Turquie puissante et d’une abnégation admirables, un véritable battant profondément habité par le sens de son engagement. Un seul souhait anime l’engagement à l’international d’Erdogan c’est vouloir que la Turquie soit pleinement dans l’Histoire, qu’elle soit maîtresse de son destin géopolitique, alors que les grandes nations sont entrées dans une époque où les relations internationales, la guerre sont, à nouveau, intimement mêlées, et où les conflits redeviennent l’horizon possible de la géopolitique.
La Turquie ne doit plus être une nation sous perfusion, car elle a une indépendance d’analyse, de conception, de décision et d’action. Véritable successeur d’Atatürk, Erdogan n’a qu’une ligne d’action : celle de la sauvegarde des intérêts de son pays. Il a fait de la Turquie depuis plus d’une décennie une puissance qui assume pleinement sa place dans le nouveau jeu international. La contestation et le refus devient une ligne maitresse de sa politique étrangère dans la mesure où cela justifie la liberté de manœuvres et sa diplomatie aux mains libres.
C’est pourquoi, ses décisions sont toujours assorties de sagesse, d’abnégation, et de courage politique, en vue de préserver les acquis de la Turquie dans le système mondial globalisé. Il dirige la Turquie avec admirable virtuosité, ayant produit la meilleure performance économique de ces vingt dernières années. Son esprit républicain aiguisé est très sensible à la normative transcendantale et aux impératifs immarcescibles de la raison, portées par les exigences géopolitiques d’occuper un rang et de jouer un rôle dans le nouveau jeu international. En tant président de la Turquie, Tayyip Erdogan se montre à la hauteur de ses responsabilités et fait preuve de poigne. Son pays est à un tournant historique : il a la possibilité ahurissante de se catapulter vers son destin par la promptitude de sa marche vers l’émergence économique.
Depuis 2002 jusqu’à ce jour, Tayyip Erdogan a connu d’innombrables étreintes et contraintes. C’est pourquoi, il est hautement plus ambitieux, avec des projets structurants hyper-productifs actionnant un développement économique intensif.
Le pouvoir étant, par essence dans sa conception wébérienne, la capacité de « faire triompher sa volonté au sein d’une relation sociale », dans le contexte de la Turquie du XXI siècle le président Tayyip Erdogan fait décréter son projet dans l’arène politique. Que l’on fasse abattre sur sa personne des torrents de quolibets au vitriol ou que l’on l’encense hypocritement par courtisanerie, la réalité demeure qu’il est parvenu à s’imposer comme le constructeur de la Turquie du XXI siècle. Un Etat puissant, un leader régional et la nation pivot des équilibres géopolitiques dans la région.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ARON R., Paix et guerre entre les Nations, Calmann-Lévy, Paris, 1984.
BULUT E., « Tempête de Métal » : le nationalisme populaire et ses peurs », dans La vie des idées, 16 août 2005.
Hürriyet, 15 février 2000.
La mémoire des 1 500 000 victimes arméniennes, In : Collectif Van, 11 janvier 2012.
PAMUK M. et UMUT Y., Recep Tayyip Erdoğan, Birey Yayıncılık,
2001.
[1] PAMUK M., UMUT Y., Recep Tayyip Erdoğan, Birey Yayıncılık, 2001, cité par Pérouse et Cheviron.
[2] Hürriyet, 15 février 2000.
[3] ARON R., Paix et guerre entre les Nations, Calmann-Lévy, Paris, 1984.
[4] La mémoire des 1 500 000 victimes arméniennes, In : Collectif Van, 11 janvier 2012.
[5] BULUT E., « Tempête de Métal » : le nationalisme populaire et ses peurs », dans La vie des idées, 16 août 2005.
- Revue Intelligence Stratégique, n°004, Avril-Juin 2019
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