Lambert MENDE OMALANGA
Ministre Honoraire de la Communication et Médias et Porte Parole du Gouvernement et Honorable Député National
RESUME
La République Démocratique du Congo est un Etat d’Afrique centrale qui fait face à plusieurs enjeux et défis. De par sa position géographique et ses potentialités économiques, un grand nombre d’Etats du monde, en général et d’autres entités étrangères, en particulier ont les yeux tournés vers elle. Cette situation prend parfois des allures d’une ingérence contraire aux principes de non-intrusion étrangère dans les affaires domestiques d’un Etat tiers. Pour le processus électoral de 2018, on a assisté à un véritable acharnement de certaines puissances étrangères qui tenaient non seulement à influencer directement l’organisation et les résultats des élections, mais aussi et surtout à imposer quelques-uns de leurs choix.
Avec une forte détermination et une sagacité inattendues, le président sortant, Joseph Kabila, a pu en dépit de nombreuses pressions en sens contraire, faire organiser le troisième cycle électoral de la troisième République sur fonds propres et résister à la tentation de modifier la constitution, comme l’avaient fait la plupart de ses homologues d’Afrique centrale, pour se représenter une troisième fois consécutive, avant d’accepter avec une rare élégance la défaite de sa coalition politique, le Front commun pour le Congo (FCC) à l’élection présidentielle et de procéder sans coup férir à une passation civilisée du pouvoir qui fait rêver plus d’un démocrate à travers le monde.
Mots clés : Interférence extérieure, processus électoral, souveraineté.
SUMMARY
The Democratic Republic of Congo is a Central African state which is subject to more stakes and challenges. From its geographic position and its potentialities economical, a larger number of States of the world in general, and other entities foreign in particular are looking at it. This situation sometimes involve tendencies to an interference opposed to non-intrusion foreign principles in the home affairs of a third State. As far as the 2018 electoral process is concerned, we noticed a true tenacity of some foreign powers which did their better not only to influence directly the organization and the results of elections, but also and specially to impose some choices of own.
Thanks to a strong determination and a sagacity unexpected, the last president, Joseph Kabila might despite numerous contrary pressions, have organized the third electoral cycle of the third republic with own funds and resisted to the tentative to modify constitution as most presidents of Central Africa did so that they brought a third consecutive mandate before admitting with a score elegance the failure of him political condition, the “Front Commun pour le Congo” (FCC) to presidential election and to easily make a civilized transfer of power which makes dream many democrats all over the world.
Keywords : Exterior interference, electoral process, sovereignty.
INTRODUCTION
De prime abord, il sied de noter que dans le monde actuel, aucune entité étatique ne peut vivre en autarcie. Les Etats et les peuples ont tous, à divers niveaux, besoin les uns des autres pour avoir des échanges mutuellement avantageux dans différents domaines de la vie. C’est dans cette optique que la création des regroupements d’intégration a connu une ampleur sans précédent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le but essentiel poursuivi par ces initiatives d’intégration est de prévenir et contenir les conséquences d’éventuels conflits entre partenaires ayant en partage un espace ou des intérêts concurrents ou rivaux.
La cohabitation entre Etats obéit à un corpus normatif et légal fondé sur le principe fondamental de l’égalité souveraine entre eux. C’est dans cette logique qu’ont été édictées les règles internationales qui sont destinées à permettre à chaque partie de reconnaître l’étendue de ses droits et leurs limites. Mais de plus en plus, ces principes généraux sont battus en brèche nonobstant les principes et les règles susmentionnées. Certaines puissances s’estiment attitrées à interférer dans les affaires internes d’autres Etats sans aucun droit. Il en est ainsi de la plupart des pays vis-à-vis du processus électoral en République Démocratique du Congo qui a donné lieu à de trop nombreuses polémiques passionnées ces dernières années. De ce qui précède, il y a lieu de se poser la question suivante : pourquoi des puissances étrangères sont-elles ainsi enclines à vouloir s’adjuger un véritable rôle directif dans le processus électoral en RD Congo ?
Pour répondre à cette question et à tant d’autres qui sautent aux yeux de tout observateur averti, il importe de porter la réflexion, dans une démarche dialectique, sur les points ci-après : l’état des lieux, la circonscription des puissances étrangères, les enjeux et défis du processus électoral en RDC ainsi que les perspectives pour un Congo souverain et indépendant.
I. BREF ETAT DES LIEUX
Située à la confluence de l’Afrique centrale et de l’Afrique australe, la République Démocratique du Congo est limitée à l’Ouest par la République du Congo, au Sud par l’Angola et la Zambie, à l’Est par la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, au Nord par le Soudan du Sud et la République Centrafrique et au sud-ouest par l’Océan Atlantique.[1]Sa superficie est estimée à un peu plus de 2.345.000 Km², ce qui en fait le pays le plus étendu d’Afrique après l’Algérie. Du fait de sa position géographique à l’interconnexion de tous les vents du continent, le relief du pays est fort varié du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et au centre.
La langue officielle est le français[2] mais les quatre langues nationales les plus parlées sont le swahili à l’Est, au Sud-Est et au Nord-Est, le lingala au Nord, le tshiluba au centre et le kikongo à l’Ouest. En plus de ces langues, un peu plus de trois cents dialectes sont pratiquées par les 86 millions d’habitants du pays.
Cette population se répartit en plus de 500 ethnies que l’on peut regrouper en grands ensembles ayant une implantation territoriale bien marquée.[3] La République Démocratique du Congo a, d’abord, été habitée par les pygmées, avant de connaître une grande migration de peuples de langues bantoues. Le brassage de la population qui a résulté de ces mouvements explique la grande diversité des peuples et des langues de la République Démocratique du Congo moderne.
Les formations étatiques y ont été très nombreuses avant la colonisation. Il s’agit de royaumes qui présentaient généralement quelques caractéristiques communes. La succession (selon une descendance matrilinéaire ou patrilinéaire) donnait lieu à une élection ou à une compétition des concurrents qui dégénérait, parfois, en querelles plus ou moins radicales, parfois en guerres fratricides. Les écrits des voyageurs et explorateurs européens ont révélé le faste de la cour des souverains et la solennité martiale du cérémonial qui y était de rigueur.
Durant des siècles, les Portugais et d’autres Européens avaient limité leur implantation à la région littorale, particulièrement dans l’actuel territoire de l’Angola. Les véritables explorations ont débuté à la fin du XVIIIème siècle. Le roi des Belges, Léopold II, qui rêvait d’un empire en Afrique, créa, en 1876 l’Association Internationale du Congo (AIC), nom adopté en 1883. Il finança une mission exploratoire du journaliste Henry Morton Stanley.
Au début des années 1880, celui-ci entra en rivalité avec Pierre Savorgnan de Brazza (explorateur au service de la France). Il remonta le fleuve Zaïre (Congo) sur sa rive gauche et parvint à y imposer la prépondérance des intérêts de l’Association Internationale du Congo grâce à des pressions sur certains chefs locaux et des prébendes offerts à d’autres. Lors de la conférence de Berlin (1884-1885), Léopold II obtint, des puissances européennes, le contrôle de cet immense territoire[4], en s’engageant à y préserver l’ordre et à le maintenir ouvert au commerce avec toutes les puissances coloniales de l’époque. C’est ainsi que naquit l’Etat Indépendant du Congo (EIC).
Léopold II prit, progressivement, le contrôle effectif de l’Etat Indépendant du Congo. Sans jamais y mettre les pieds, il organisa depuis son palais bruxellois une force militaire pour mater, avec brutalité, les nombreuses résistances autochtones. Sous le prétexte de lutter contre la traite des esclaves, le roi des Belges puis son gouvernement à partir de 1908 brisèrent les entités constituées par les princes marchands. Mais, les résistances se poursuivirent, longtemps. Les Tetela, par exemple, étaient réputés jusqu’en 1907 pour leur insoumission. Kasongo Nyembo, souverain du royaume luba demeura pour sa part insaisissable jusqu’en 1917.
Léopold II avait confié à des compagnies à charte la charge d’exploiter les richesses tant convoitées de la colonie : le caoutchouc et l’ivoire, principalement.
Il décréta en 1889 que toutes les terres vacantes appartenaient de droit à l’Etat. Dans une économie fondée essentiellement sur la chasse, la cueillette et le nomadisme, des populations entières se trouvèrent ‘ipso facto’ contraintes de travailler pour le compte de l’Etat Indépendant du Congo (EIC) afin de pouvoir survivre. L’impôt, le travail forcé, les mauvais traitements, les corvées, la répression et les exactions contre les « paresseux et improductifs » imposés par l’Etat colonial et les sociétés à charte ont valu à cette période de l’histoire de la République Démocratique du Congo le nom de « temps des exterminations. »
Pour fructifier ses possessions et sécuriser l’ensemble, Léopold II avait en effet créé, dès 1888, une force publique chargée de maintenir l’ordre et en expurger toute concurrence. On parla alors de caoutchouc rouge. En 1906, Une convention signée entre l’EIC et le Saint-Siège à Rome accorda aux missionnaires de l’Eglise catholique de larges concessions foncières qui leur permirent de vivre et, souvent, de s’enrichir sans bourse délier.[5]
En 1908, Léopold II, ruiné, fut contraint d’abandonner à la Belgique l’EIC, qui devint de la sorte la colonie du Congo-Belge. Les autorités gouvernementales en place à Bruxelles s’employèrent alors activement à gommer les aspérités les plus inacceptables du système léopoldien.
Par la suite, les Belges ayant établi une forme de consensus national sur la gestion de l’empire colonial engagèrent à deux reprises « leur » Congo dans les guerres mondiales 1914-1918 et 1940-1945. Mais, après le deuxième conflit, ils s’abstinrent d’envisager l’émancipation des autochtones du Congo-Belge à l’instar des métropoles coloniales française et britannique qui, au sortir de la deuxième guerre, avaient mis en œuvre à des degrés variés un plan préparatoire à l’autonomisation avec la politique dite de l’indirect rule.
Comme pour lâcher un peu du leste, le gouvernement belge s’était limité à autoriser en 1946 la constitution de syndicats des travailleurs indigènes, sous une étroite surveillance de l’administration coloniale. Jugeant cette évolution trop timide, l’universitaire Jef Van Bilsen publia en 1956 « un plan de trente ans pour l’émancipation de l’Afrique Belge.» Il ne prévoyait l’indépendance qu’en 1986. Le livre fit scandale mais la politique coloniale était dans l’obligation de tenir compte de l’évolution dans les colonies voisines.[6]
En 1957, l’Abako (Association des Bakongo.), premier parti politique créé au Congo, a remporté les élections municipales de Léopoldville (Kinshasa). Deux ans plus tard, les émeutes du 04 janvier 1959 précipitèrent les événements. Prise au dépourvu devant l’inexorabilité du mouvement d’émancipation et soucieux de sauver les apparences, la Belgique précipita la décolonisation. Une conférence de la table ronde convoquée à Bruxelles le 20 janvier 1960 pour organiser l’indépendance fixa celle-ci au 30 juin de la même année.
Le leader de l’Abako, Joseph Kasa-Vubu devint président de la République et Patrice-Emery Lumumba, le chef du Mouvement National Congolais (MNC) premier ministre. Dès le mois de juillet, le Congo-Léopoldville (nommé, peu après, Congo-Kinshasa) s’enfonça dans le chaos, à la suite d’une mutinerie de la force publique. Lumumba sera destitué à l’instigation d’hommes d’influence belge avant d’être assassiné le 17 janvier 1961. Une succession de rébellion va caractériser le pays durant cinq ans.
Le 24 novembre 1965, un coup d’Etat militaire a porté au pouvoir le général Mobutu, proche des Belges et des Américains qui l’avaient mis à contribution cinq ans plus tôt pour neutraliser Lumumba. Il restaura l’ordre par des méthodes brutales en s’appuyant sur un parti unique totalitaire, le Mouvement populaire de la révolution (MPR)
Au début des années 1990, dans le contexte de la fin de la guerre froide et de la vague subséquente de la démocratisation des pays africains qui suivit la destruction du mur de Berlin et le sommet franco-africain de La Baule, Mobutu fut contraint d’accepter le multipartisme. Car, entretemps, l’ordre international avait changé. Le dictateur zaïrois était devenu une gêne pour les occidentaux qui l’avaient soutenu inconditionnellement jusque-là dans le rôle de pare-feu du communisme qu’il jouait en Afrique subsaharienne depuis les années postindépendance. Ils s’en lassèrent et ne mirent pas des gants pour le faire savoir.[7]
Abandonné par ses mentors et cherchant à anticiper le pire, Mobutu va, à l’instar de la quasi-totalité de ses pairs d’Afrique francophone à l’époque, se résoudre à organiser une Conférence nationale Souveraine (CNS) dont l’objectif déclaré était de permettre aux Zaïrois de s’exprimer aussi librement qu’ils le souhaitaient sur leur devenir et de mettre en place une transition démocratique devant aboutir à des élections générales démocratiques et crédibles.
On se rendit vite compte que les réformes démocratiques annoncées en grandes pompes à la CNS n’étaient qu’un leurre. Mobutu ne lâchait pas prise. Jouant sur l’inexpérience et les divisions d’une opposition velléitaire, il reprenait de la main gauche ce qu’il semblait concéder de la main droite. Sept ans passeront sans que les élections démocratiques promises à la faveur de la CNS du début des années 90 ne se concrétisent. De guerre lasse, une opposition armée soutenue par les nombreux ennemis que le Maréchal Président Mobutu s’était fait dans la région en parrainant des actions de ses amis occidentaux au temps de la guerre froide parvint à le défenestrer le 17 mai 1997.
Ayant pris le pouvoir, après une offensive appuyée par de larges pans de l’opinion publique nationale, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de Laurent Désiré Kabila sera à son tour vite confrontée aux problèmes géostratégiques qui avaient coûté le pouvoir à Mobutu. Il s’agissait en fait de questions relatives au contrôle des richesses et à la préservation de l’intégrité territoriale d’un pays que bien de ses voisins et autres acteurs internationaux avaient résolu de « balkaniser ».
Laurent-Désiré Kabila ne voulait à aucun prix transiger et laisser des puissances étrangères continuer à exploiter sans contrepartie la RDC comme elles n’avaient cessé de le faire depuis la conférence de Berlin de 1885. Les relations entre l’ancien maquisard révolutionnaire de Hewa Bora devenu le troisième président de la République Démocratique du Congo avec les Etats occidentaux qui avaient pourtant encouragé sa rébellion contre Mobutu ne furent pas idylliques, loin s’en faut. Son inclinaison à privilégier les relations horizontales Sud-Sud au détriment de celles, verticales, Nord-Sud en firent aussitôt une bête noire de la communauté internationale occidentale qui s’affaira à le discréditer systématiquement.
En Août 1998, une série de rébellions éclataient à travers l’ensemble du territoire congolais. Laurent-Désiré Kabila était cerné à l’Est et dans une grande partie de l’Ouest. Il appela à la rescousse ses partenaires de la Southern Africa Development Community (SADC) qui se heurtèrent aux éléments des rébellions qui assaillaient le pays. Ceux-ci étaient encadrés par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, déterminés à faire payer au nouvel homme fort du Congo son « ingratitude » envers eux. En fin de compte, le chef de l’AFDL n’était pas parvenu à instaurer une paix durable dans le pays après avoir chassé Mobutu du pouvoir.[8]
Plusieurs critiques étaient adressées à son régime à la suite de ce qui était qualifié de guerre d’agression par ses partisans. D’aucuns étaient d’avis que ce conflit était la résultante de la politique étrangère imprudente et chaotique de Laurent-Désiré Kabila qui n’aurait pas su, par la voie diplomatique, convaincre et rassurer toutes les puissances et entités étrangères qui avaient accompagné sa conquête du pouvoir. Pour d’autres, c’est plutôt l’idéologie jugée « cryptocommuniste », du « Mzee » qui avait provoqué le courroux de ses anciens alliés et facilité un rapprochement entre ceux-ci et ses détracteurs à l’intérieur. Cette dernière lecture est celle qui paraît la plus plausible.
Laurent-Désiré Kabila sera assassiné dans son palais le 16 janvier 2001 et après un léger moment d’hésitation, la direction du pays sera confiée à son fils, le général Joseph Kabila qui était jusque-là commandant de la force terrestre. Agé alors d’à peine 29 ans, le jeune homme va surprendre le monde entier en initiant des efforts pour favoriser la paix en faisant des concessions de cohabitation qui apparaissait parfois contre-nature avec toutes les composantes (armées et groupes non armés).
Le nouveau président de la République conduisit une courte transition caractérisée par des mouvements de contestations de groupe d’intérêts nationaux et étrangers. A un journaliste américain qui lui demandait si avec son inexpérience, il saurait mener sa tâche jusqu’au bout, il avait répondu, mi-figue, mi-raisin par un lapidaire time will tell (l’avenir le dira). On s’aperçut rapidement qu’il savait de quoi il parlait. Ainsi qu’il en avait fait la promesse, Joseph Kabila est parvenu à ramener la paix dans le pays et à entamer une série de dialogues entre ses compatriotes. Au cours de la première session de ces rencontres, après moult tractations politiques, les participants vont signer un accord global et inclusif à la suite duquel sera mis en place la formule institutionnelle inédite imaginée par le quatrième président congolais : celle de 1 plus 4. C’est-à-dire, un président et quatre vices présidents.
En 2006, avec l’appui de la communauté internationale, particulièrement des pays occidentaux et de la mission de l’ONU au Congo (MONUC), les institutions publiques issues de cette formule (1 plus 4) vont organiser les premières élections libres, démocratiques et transparentes qui confirmeront la victoire de Joseph Kabila au deuxième tour. Mécontents de ce résultat, des partisans de son challenger, Jean-Pierre Bemba Gombo ont incendié le siège de la Cour Suprême de Justice qui, faisant office de Cour Constitutionnelle, venait de procéder à la proclamation définitive des résultats définitifs du scrutin présidentiel.
Ensuite, des éléments de la garde prétorienne de Bemba s’attaqueront à la garde républicaine qui les mettra en déroute, obligeant leur chef à quitter précipitamment le pays pour se réfugier au Portugal, puis en Belgique où il sera arrêté puis extradé à La Haye par le gouvernement belge en exécution d’un mandat d’arrêt émis contre lui par le procureur Luis Moreno Ocampo de la Cour pénale internationale ou il devait comparaître pour des présomptions de crimes contre l’humanité commis par son Armée de libération du Congo (ALC) en République Centrafricaine quelques années plus tôt.
Pour certains de ses détracteurs, le jeune chef de l’Etat congolais aurait bénéficié d’un coup de main de ses alliés occidentaux qui instrumentalisaient ainsi la justice internationale pour le mettre à l’abri des revendications d’un de ses opposants les plus farouches, ce que Joseph Kabila démentira formellement. Sans nier avoir eu vent de l’émission d’un mandat international contre Bemba par la CPI, il déclara lui avoir déconseillé avec insistance de se rendre en Europe. Malgré l’adhésion de la République Démocratique du Congo au statut de Rome, je n’aurais jamais accepté de faire extrader un ancien vice-président de la République qui venait, de surcroît, d’être élu sénateur[9], a-t-il affirmé.
Les élections de novembre 2011 sourirent également à Joseph Kabila qui les gagna face à deux principaux challengers : Etienne Tshisekedi (UDPS) et Vital Kamerhe (UNC). En dépit d’une panoplie de rébellions par procuration, il avait réussi à respecter le calendrier constitutionnel, à quelques mois près. Contestant avec véhémence ces résultats avec l’appui du cardinal Laurent Monsengwo, primat de l’Eglise catholique congolaise qui déclara depuis Bruxelles que ceux-ci n’étaient guère conformes à la vérité des urnes, Etienne Tshisekedi refusa de les reconnaître et prêta serment dans sa résidence de Limete face à une poignée de fidèles, parallèlement à la cérémonie d’inauguration du second mandat de Kabila au Palais de la Nation de Kinshasa-Gombe. Ses faits et gestes bénéficièrent depuis lors d’une large couverture des médias occidentaux. La raison en est que dans l’entre-temps, Joseph Kabila avait engagé la RDC dans une audacieuse initiative de diversification des partenariats économiques, notamment avec la Chine, ce qui avait eu le don d’irriter les partenaires traditionnels du pays.
Par la suite, avec deux ans de retard, le troisième processus électoral a pu se tenir en 2018 sans aucun concours financier extérieur. A l’issue de celles-ci, le candidat de l’UDPS/T, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, fils d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, a remporté la victoire. Nous y reviendrons plus loin.
II. CIRCONSCRIPTION DES PUISSANCES ETRANGERES
L’un des domaines les plus sensibles de la politique d’un Etat, c’est sa politique étrangère. En effet, celle-ci fait apparaître diverses interactions, légitimes ou non, avec des puissances ou entités extérieures. Il importe d’établir en cette matière un distinguo entre la politique étrangère, la politique internationale et la politique extérieure. Pour Fritjof Capra, la politique étrangère d’un Etat est constituée par la dynamique relationnelle entre celui-ci et d’autres Etats. Tandis que la politique internationale concerne l’Etat et les autres acteurs des relations internationales non étatiques comme les organisations internationales, les sociétés ou firmes multinationales, les organisations non gouvernementales etc. La politique extérieure est, quant à elle, un condensé de l’ensemble de la politique étrangère et de celle internationale.[10]
Ainsi comprise, la politique extérieure est donc le reflet de la politique intérieure. Il importe de noter à cet égard que chaque Etat fait l’effort de préserver ses intérêts et les acquis de sa souveraineté. La charte de l’ONU est assez claire en ce qui concerne l’égalité souveraine entre tous les Etats.[11]
Toutefois, il s’agit d’un concept plutôt théorique car, il est de notoriété publique que la gestion de leurs relations internationales par certaines superpuissances révèle dans leur chef une volonté radicale non seulement de sanctuariser leurs propres territoires par rapport aux normes et principes du droit international mais aussi et surtout d’imposer leur diktat au reste du monde. On en a eu une illustration avec les Etats-Unis d’Amérique lorsque le président George Bush junior déclara ce qui suit : Les Etats-Unis n’ont pas besoin de demander la permission à quiconque pour participer (à une action) où ils veulent, comme ils veulent et quand ils veulent.[12]
Pour pouvoir en arriver là, il a fallu que les Américains s’efforcent pendant de longues années de devenir une grande puissance militaire et économique. On retiendra que cette place au sommet de l’édifice mondial a été détenue pendant plusieurs décennies par des pays d’Europe ou l’Union soviétique, ce qui explique les velléités des uns et des autres à faire revivre leur prépotence notamment vis-à-vis de l’Ukraine (Russie) et de l’Afrique subsaharienne (Europe).
Partant de ce qui précède, il convient de souligner que chaque Etat peut aspirer à devenir une puissance en se basant sur des éléments de sa politique intérieure hors de toute implication et de toute ingérence extérieure. La République Démocratique du Congo est l’un des Etats d’Afrique subsaharienne qui a marqué au cours de ces dernières années sa détermination à se donner les moyens de sa propre émergence en défiant toute implication dans ses affaires domestiques. Les élections générales qui se sont déroulées fin 2018 sont un exemple édifiant de la mise en œuvre de cette démarche.
La décision du gouvernement sous la conduite de Joseph Kabila de prendre en charge sur fonds propres toutes les dépenses liées au processus électoral avait provoqué une véritable levée de boucliers tant au plan interne qu’à l’international. Mais le président Kabila y répondit sèchement au cours d’un conseil des ministres en déclarant : « la souveraineté et la dignité ont un prix qu’il faut accepter de payer ». L’application de cette résolution entraîna des sacrifices importants de la part des autorités qui durent même réquisitionner temporairement d’importants moyens logistiques de transport routier et aérien de l’Armée en faveur de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) car, comme avait ajouté le chef de l’Etat, « même si ce n’est pas du jour au lendemain qu’on devient une grande puissance, les efforts quotidiens et la détermination de toute la nation peuvent permettre de faire sauter les verrous ».
Il existe une relation dissymétrique entre les Etats africains en général et les puissances impérialistes occidentales. Il importe en effet de préciser dans le cadre de cette étude que par Etats africains on entend ceux qui se trouvent au Sud du Sahara tandis que les puissances impérialistes sont celles de l’hémisphère Nord (occidentaux) qui ont eu à disposer des colonies en Afrique. La dissymétrie existant entre les deux parties réside dans le fait que les occidentaux qui ont colonisé les Etats africains se considèrent comme le centre d’impulsion de toutes les politiques publiques dans lesdits Etats africains ainsi acculés au statut d’entités périphériques.
Le cas de la République Démocratique du Congo est une illustration emblématique de cet état des choses. De nombreuses puissances et entités étrangères n’ont jamais fait mystère des intérêts officiels et officieux qu’ils estiment avoir dans ce pays. Parmi elles, on peut citer en premier lieu l’ancienne métropole coloniale, la Belgique, qui multiplie les efforts pour instaurer un schéma relationnel de type néocolonial.
Depuis la conférence de Berlin de 1885, la Belgique, après son souverain Léopold II, avait fait de la RD Congo l’épicentre du commerce libre en Afrique noire. En témoignent, les résolutions de la conférence qui stipulent expressis verbis ce qui suit : Les bateaux de toutes les puissances ayant pris part n’ont besoin de la permission de personne pour pouvoir naviguer librement sur les eaux du Congo.[13]
Outre ces puissances étatiques qui ont bénéficié de cette facilité pendant des décennies, d’autres entités ont une longue et ancienne histoire avec la République Démocratique du Congo. Il s’agit notamment des sociétés multinationales qui ont des intérêts non moins importants dans ce pays. Il s’agit de firmes disposant, en majorité, des capitaux étrangers et qui se sont habituées à exploiter les richesses de la RDC via diverses structures parallèles en lieu et place du gouvernement légitimement et légalement reconnu de ce pays. Ces sociétés multinationales instrumentalisent des Congolais qui, plutôt que de travailler pour eux-mêmes et pour l’émergence de leur pays, préfèrent justifier et promouvoir un tel schéma de prédation.
Utilisées à bon escient ou vendues par qui de droit selon les règles du marché, les ressources de la République démocratique du Congo sont susceptibles de soutenir un développement intégré du pays. Force est de constater que depuis leur découverte, ces potentialités ont toujours fait l’objet d’un bradage ininterrompu qui alimente la chronique africaniste. Capra évoque à ce propos le rôle et les intentions réelles non seulement des firmes multinationales mais aussi des puissances occidentales : Si le Coltan de la RDC avait été vendu rationnellement, un téléphone portable de marque androïde et ou i-phone coûterait plus de 800 dollars américains[14], a-t-il observé.
On sait par ailleurs que la plupart des armes et munitions utilisées par les multiples rébellions qui écument ce pays leur sont vendues ou livrées par diverses firmes multinationales qui profitent du désordre ainsi entretenu pour en exploiter illégalement et presque sans contrepartie les minerais. Les mêmes multinationales passent souvent par des réseaux de complicité dans des Etats voisins pour faciliter leurs entreprises de pillage du Congo. Des firmes multinationales soutenues par quelques entités étatiques constituent de la sorte une menace permanente contre la paix en République Démocratique du Congo. Elles seraient à la base de l’initiative inhabituelle prise début 2019 par les instances de l’Union africaine de s’immiscer dans le processus électoral congolais.[15]
Une initiative qui semble, de toute évidence avoir été inspirée par des puissances et entités non africaines désireuses de jouer un rôle actif dans la gestion d’une « crise » post-électorale qui n’en était pas une, les parties prenantes aux élections du 30 décembre 2018 ayant choisi, conformément aux lois congolaises, de soumettre leurs revendications respectives à la Cour constitutionnelle qui venait, comme il se doit, de prendre la cause en délibéré.
D’autres acteurs comme les organisations intergouvernementales, les organisations non gouvernementales, la mafia, les groupes terroristes… peuvent être cités parmi les initiateurs, directs ou indirects, des prises de positions susmentionnées.
Somme toute, ce qui est en jeu, c’est la puissance avec ce qu’elle induit en termes de quête incessante de l’aboutissement d’une vision (géopolitique), de provision (géostratégie) et de gestion (tactique). C’est le déterminant de la suprématie ou un facteur de force.[16] L’objectif poursuivi par les acteurs précités se résume en la détention ou l’accroissement de leur capacité d’agir, de faire agir et d’interdire d’agir, bref, de disposer du pouvoir de définir la situation, d’imposer l’ordre de priorité des politiques publiques, voire, le cas échéant, de changer l’ordre établi. C’est ce que les uns et les autres ont tenté de faire durant le processus électoral de 2018 au Congo-Kinshasa.
III. ENJEUX ET DEFIS DU PROCESSUS ELECTORAL EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
De toute évidence, les différents processus électoraux en République Démocratique du Congo comportent des enjeux et défis de divers ordres. Lors des premières élections libres, et démocratiques qui furent organisées en 2006, d’aucuns pensaient que le pays qui sortait de plusieurs années de conflits ne pouvait pas réussir à faire aboutir un processus de pacification et de démocratisation. Cela étant, avec la détermination de tous les acteurs et surtout celle de Joseph Kabila, qui avait accepté quatre ans plus tôt de partager son pouvoir pour cohabiter avec toutes les tendances afin de faire avancer le pays, les Congolais allèrent aux urnes et purent se choisir des dirigeants.
Cinq ans après, en 2011, des élections (présidentielle et législatives nationales) étaient de nouveau organisées en RDC sous les auspices du président Joseph Kabila qui s’est représenté comme candidat à sa propre succession. Les électeurs congolais vont lui faire à nouveau confiance en lui redonnant un second mandat. Bien avant la fin de celui-ci, il annonça sa détermination à respecter scrupuleusement la constitution qui lui interdisait toute possibilité d’un troisième mandat consécutif. Soumis à de multiples tentatives de mise sous une tutelle inavouée des partenaires traditionnels de la RDC, il finira par demander au gouvernement de renoncer à l’appui desdits partenaires et à organiser le troisième cycle électoral (2016) sur fonds propres afin de préserver la souveraineté nationale.
Confronté en même temps à des contraintes sécuritaires (guerres asymétriques à l’Est du pays) et financières, le gouvernement a convoqué les différentes forces vives de la nation pour des négociations afin d’envisager les voies et moyens d’un report des scrutins, ce qui sera interprété, de manière souvent irrationnelle par d’aucuns, comme une tentative délibérée de modifier la constitution dans le but de permettre au président Kabila de conserver indéfiniment le pouvoir. Mais ce n’étaient que procès d’intentions car, in fine, les élections seront organisées avec deux ans de retard, fin 2018.
Ces élections générales qui se déroulèrent sans incidents majeurs porteront Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le leader du premier parti de l’opposition radicale (UDPS/T) au pouvoir. Ce dernier avait été élu au détriment de 20 autres candidats dont Emmanuel Ramazani Shadary celui adoubé par le Front Commun pour le Congo (FCC), la plateforme électorale du président Joseph Kabila.
Faisant preuve de sa dimension d’homme d’Etat, Joseph Kabila a accepté ce verdict des urnes. Il procédera sans coup férir à la remise et reprise avec celui qui avait été un de ses opposants les plus farouches.
Nonobstant cette volonté de respecter et de faire respecter la constitution et les lois du pays, des hommes d’influence ont fait chorus à partir de l’Europe et des Etats-Unis comme pour donner des leçons de démocratie à la République Démocratique du Congo en interférant dans le processus électoral.
Officiels d’Etats partenaires de la RDC ou acteurs de la société civile, les auteurs de ces interférences n’acceptaient pas la volonté affirmée des Congolais de se prendre en charge qui fondait la décision de réserver une fin de non-recevoir aux multiples offres d’assistance et d’implication subséquente des puissances occidentales dans le processus électoral. Il eut aussi des protagonistes nationaux mobilisés contre la ténacité de Joseph Kabila dans la gestion de ce dossier. Ils joignirent à des acteurs d’organisations intergouvernementales, en l’occurrence l’Union Européenne et/ou des organisations non gouvernementales étrangères ainsi qu’à des multinationales intrusives pour saper le travail abattu par le quatrième président congolais et son équipe.
Le désamour entre Kabila et certaines multinationales avait atteint son point culminant lorsque le chef de l’Etat avait refusé de céder à leur demande de geler la promulgation d’une loi votée au parlement augmentant de 2 à 10% la redevance due sur les minerais déclarés stratégiques comme le germanium, la colombo-tantalite (coltan) et le cobalt.[17]
C’est dans cette foulée que Paul Kagamé président en exercice de l’Union africaine, vint carrément à leur rescousse en cherchant à imposer à la tête du pays un candidat qui avait leurs faveurs à l’issue de l’élection présidentielle du 30 décembre 2019. Son intervention fut un monument de maladresse en ce qu’il s’était permis, comme on l’a vu, d’émettre une injonction à titre personnel à la Cour constitutionnelle congolaise d’interrompre le processus de proclamation définitive des résultats électoraux qu’elle avait d’ores et déjà entreprise jusqu’à l’arrivée d’une délégation de haut rang de l’Union africaine pour remédier aux litiges portés devant elle. Cette initiative qui violait aussi bien la souveraineté de la RD Congo que le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire n’étant rien moins qu’une forfaiture.
A Kinshasa, cette sortie de Kagamé avait provoqué de vives réactions. D’une part, le gouvernement sortant, rejoint pour une fois par les responsables de l’UDPS/Tshisekedi, parti du vainqueur proclamé à l’élection présidentielle et ses alliés de l’Union pour la nation congolaise (UNC), n’avaient pas des mots assez durs pour fustiger l’attitude jugée présomptueuse du président rwandais. Ils s’insurgeaient du caractère grossièrement intrusif de la demande du président en exercice de l’Union africaine dans une affaire judiciaire pendante devant la plus haute juridiction d’un Etat membre.
D’autre part, les partisans de la coalition Lamuka du candidat malheureux Martin Fayulu Madidi et ses alliés du comité de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) s’en félicitaient, espérant que la délégation de l’organisation viendrait à Kinshasa pour remettre les compteurs à zéro et relancer des négociations pour une nouvelle transition.
Par souci de préserver la cohésion au sein de l’organisation continentale, le gouvernement congolais annonça qu’il acceptait de recevoir la délégation de l’Union africaine dont la RDC était membre tout en réaffirmant avec force l’indépendance du pouvoir judiciaire « aussi bien à l’égard de toutes les autres institutions nationales qu’à celui de l’Union africaine ou d’autres organisations internationales » (communiqué du ministre de la Communication et Médias, porte-parole du gouvernement).
On se perd en conjectures sur les motivations profondes de l’initiative du président de la République du Rwanda qui dut, en fin de compte, annuler sa visite à Kinshasa après que la Cour constitutionnelle, placée devant des contraintes calendaires et juridiques incompressibles, eut finalisé sa procédure en proclamant officiellement les résultats définitifs de l’élection présidentielle.
D’aucuns sont persuadés que Paul Kagamé voulait par cette initiative cavalière rendre l’ascenseur au gouvernement français du président Emmanuel Macron qui, contre toute attente, avait quelques mois auparavant pesé de tout son poids pour imposer la désignation de la Rwandaise Louise Mushikiwabo, son ministre des Affaires étrangères, à la tête du secrétariat général de la l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en dépit du fait que son pays avait délibérément substitué la langue de Shakespeare au français comme langue officielle quelques années plus tôt.
L’opinion la plus répandue à Kinshasa était en outre que le N°1 rwandais, lui-même auteur d’une modification de la constitution de son pays pour s’offrir des mandats présidentiels sans limites jusqu’en 2034, n’était certainement pas le mieux indiqué pour s’entremettre dans les litiges post-électoraux en RD Congo. On voyait se profiler derrière lui l’ombre des sociétés multinationales avec des capitaux à majorité français voulant servir leurs propres intérêts dans l’eldorado minier qu’était le Congo-Kinshasa.
La pratique qui consistait à passer par des voies de contrebande via le Rwanda pour se ravitailler en minerais a toujours été préférée par certains end users qui voulaient économiser les taxes et autres redevances incontournables en cas de traçabilité officielle. D’où leur acharnement à entretenir des conflictualités récurrentes qui permettent à toutes sortes de trafiquants de se mouvoir et d’agir comme des poissons dans l’eau.
Ce n’est pas par hasard que ces dernières années, l’Est congolais, connu pour l’importance de ses réserves minières (niobium, coltan etc.) est devenu sous leur instigation un véritable foyer de ce que Kabuya-Lumuna qualifie de « résistance citoyenne », un lieu où des groupes de jeunes et d’adolescents sont mobilisés autour de « cet article 64 de la Constitution du 18 février 2006 (qui) invite tout Congolais à empêcher l’installation d’un pouvoir établi en violation de la présente Constitution, et (…) condamne, comme infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat le renversement d’un régime constitutionnel ».[18]
Des orientations pour le moins déroutantes de contradiction car, comme le souligne l’auteur : « pour quel objectif autre que le renversement d’un régime va-t-on s’insurger contre un pouvoir usurpé ou conservé illégalement après avoir été acquis régulièrement ? Avec quels moyens légaux ?
La faisabilité est tout simplement impossible. Il y a la désobéissance civile, la répression qui peut s’en suivre, et les incertitudes de succès. Mais le plus évident, c’est l’insurrection populaire et ses effets de troubles à l’ordre public et de destructions condamnables par la loi (…). C’est paradoxal ».[19] Du pain béni pour les partisans d’une agitation subversive chronique. Les défis du processus électoral congolais auquel bien peu de gens accordaient une quelconque chance d’aboutir leur offriront un espace de prédilection. Cela commença par une campagne bruyante mettant l’accent sur le fait que la RDC ne pouvait pas organiser sur fonds propres des élections aussi coûteuses (plus d’un milliard de dollars).
Le « procès » semblait perdu d’avance par le gouvernement congolais pour nombre d’observateurs internationaux. Mais, c’était sans compter avec la détermination de Joseph Kabila et de son gouvernement. Pressé d’accepter un accompagnement à minima de la communauté internationale par le biais de la mission onusienne au Congo notamment, Kabila maintint son refus. Il s’en est expliqué dans un entretien accordé à Colette Braeckman, du quotidien belge Le Soir qui lui demandait de commenter les doutes émis au sein de la communauté internationale quant à la volonté et la capacité du Congo d’organiser seul ces élections, de se passer de la Monusco qui avait déjà mobilisé des avions pour aider la RDC :
Tout simplement parce que nous ne sommes pas des mendiants. Le Congo, certes, a des problèmes, mais c’est aussi un pays d’hommes et de femmes dignes. Les pays voisins, eux non plus, ne sollicitent pas l’appui de la Monusco. Si celle-ci a des avions disponibles, elle peut certainement en faire bon usage. Je l’ai expliqué à la représentante du secrétaire général de l’ONU. Nous avons pris l’option d’organiser les élections nous-mêmes., ce qui nous coûte cher, mais c’est une question d’indépendance, de souveraineté.[20]
La polémique provoquée à ce sujet faisait monter la tension, conduisant le pays au bord de la guerre civile. En outre, il s’est avéré, contrairement à une idée répandue aux quatre vents par des médias globaux, surtout français, que la machine à voter qui a soulevé tant de passion n’avait pas été conçue pour faire gagner le candidat de la majorité de Joseph Kabila parce que celui-ci n’est arrivé que troisième.
L’échec d’Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat adoubé par le président et ses partisans du Front Commun pour le Congo et la victoire de l’opposant radical Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a rendu encore plus crédibles les résultats des élections combinées du 30 décembre 2018.
L’intransigeance de Kabila et son refus de plier face aux diktats de la communauté internationale sont également un défi pour les puissances extérieures qui ont du mal à refréner leurs pulsions impérialistes. On a vu pour la première fois depuis 1885, des pays occidentaux émettre des avis contradictoires sur leur « colonie internationale » d’Afrique. Déclarant respecter les institutions d’un Etat indépendant et souverain, les Etats-Unis d’Amérique avaient en effet pris acte des résultats publiés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) aussitôt qu’ils avaient été rendus publics. A l’instar de ses deux rivaux parmi les big five (Chine et Russie).
C’est d’Europe qu’ont été observées les réactions les plus mitigées. La France notamment a brillé par un indécrottable interventionnisme doublé d’une volonté de s’inviter dans les affaires africaines.
Pourtant, la plupart des dirigeants français de ces dernières années n’ont eu de cesse de décréter la mort de la Françafrique. Cela n’a pas empêché le lobby français de poursuivre ses intrusions dans les affaires internes des Etats africains. La Belgique, quant à elle, est allée plus loin que la France. Les deux tentaient, en fait, d’instaurer un néo-colonialisme suranné alors que la population africaine, en général et celle congolaise, en particulier s’affirmaient de plus en plus sur la scène mondiale.
IV. PERSPECTIVES POUR UN CONGO SOUVERAIN ET REELLEMENT INDEPENDANT
La souveraineté des peuples est le principe de l’autorité suprême détenue par l’ensemble des êtres humains vivants sur le même territoire et ayant en commun une culture, des mœurs et un système de gouvernement.[21] Ainsi entendu, ce concept met les peuples d’une entité étatique au centre de toutes les politiques publiques. Rien ne peut se faire sans eux ou hors leurs intérêts. En effet, lorsqu’une nation naît, même avant qu’elle ne se transforme en Etat, ce sont les peuples qui sont en droit d’en établir la forme de gouvernance, directement ou indirectement à travers leurs élus. Par voie de référendum ou de consultation populaire, les peuples sont attitrés à donner leurs points de vue sur les diverses propositions relatives à l’organisation et la régulation de la communauté nationale.
La souveraineté des peuples est respectée lorsque ces derniers sont consultés par la voie démocratique qui prend généralement la forme d’une votation. Si tel n’était pas le cas, ou si la volonté des peuples n’était pas acceptée par des élites nationales ou des puissances et entités extérieures, les peuples peuvent eux-mêmes se prendre en charge pour barrer la route à toute formule d’imposition. Cependant, si les peuples découvrent que tout se passe conformément à leurs aspirations, aucune manifestation contraire n’a de chance de prospérer.
S’agissant du processus électoral congolais de 2018, qui a vu une multitude de tentatives d’intrusion des puissances étrangères (occidentales) désireuses d’imposer des dirigeants malléables au profit de leurs propres intérêts, il importe de noter que le droit international exclut formellement toute implication d’un pays ou d’une organisation supranationale dans le processus de prise de décision dans des questions de souveraineté. La substitution d’un ou des animateurs d’un pays tiers ou d’une telle organisation aux institutions établies d’un Etat membre est donc tout sauf légitime. C’est ce qu’avait tenté le président rwandais en sa qualité de président en exercice de l’Union africaine au sujet des élections générales congolaises du 30 décembre 2018.
Ce faisant, et en laissant entendre à travers son communiqué que la Cour constitutionnelle congolaise devait s’abstenir de rendre son verdict tant que la délégation de haut niveau de l’Union africaine ne s’était pas rendue à Kinshasa pour parler avec les différents acteurs internes impliqués dans le processus électoral après que le contentieux opposant Martin Fayulu Madidi à la CENI et à Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo eut été pris en délibéré par cette haute instance judiciaire, Paul Kagamé foulait aux pieds la souveraineté de la RDC et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Un tel schéma n’était pas acceptable au regard des principes qui régissent l’organisation continentale et ses relations avec les Etats membres. C’était manifestement le point de vue des autres chefs d’Etat qui avaient pris part à la consultation de haut niveau convoquée à Addis-Abeba par le président rwandais, notamment le Sud-africain Cyril Ramaphosa et l’Angolais José Eduardo Dos Santos qui se sont rapidement dissocié de la position de leur homologue avant d’envoyer des délégations ministérielles participer à l’investiture du nouveau président de la République Démocratique du Congo après que la Cour constitutionnelle eut réservé une fin de non-recevoir à cette injonction comminatoire.
Bien avant cette passe d’armes feutrée entre la plus haute juridiction congolaise et le président en exercice de l’Union africaine autour de la souveraineté du peuple congolais, on avait pu assister à un bras de fer entre le gouvernement Kabila et l’Union européenne qui, manifestement circonvenue par la Belgique, avait initié des sanctions ciblées jugées illégales et illégitimes contre des personnalités congolaises sous le prétexte fourre-tout d’entraves au processus démocratique.
Kinshasa ayant vainement indiqué par de nombreuses protestations diplomatiques sa volonté de s’affranchir de cette façon de faire qui se résumait pratiquement en une mise sous tutelle inavouée, avait fini par reprendre des mesures de rétorsion allant de la réduction de la desserte aérienne de la compagnie belge SN Brussels vers Kinshasa de 7 à 2 par semaine jusqu’à la fermeture de la maison Schengen, une facilité européenne de délivrance des visas gérée par la Belgique à Kinshasa en passant par la fermeture du consulat belge à Lubumbashi et l’expulsion de Bart Ouvry, l’Ambassadeur (belge) de l’Union européenne en RD Congo.
A voir la fébrilité avec laquelle les Européens, la Belgique en tête, se sont démenés depuis pour appeler à des négociations particulièrement pour la réouverture de la maison Schengen et le retour à son poste de M. Ouvry, on se rend à l’évidence que le Congo-Kinshasa constitue une sorte de talon d’Achille d’un vieux continent habituellement imbu de lui-même et engoncé dans les certitudes bien-pensantes de sa suffisance. Dans une réflexion publiée récemment à Kinshasa, on s’en était fait l’écho la veille de discussions entre Vital Kamerhe, directeur de cabinet du président Tshisekedi et des ambassadeurs de l’Union européenne :
Dans le dossier sur la Maison Schengen dont les aspects techniques essentiels, exigence de délais plus courts dans le traitement des dossiers de visas en faveur des Congolais, transparence sur les refus des facilités pour les diplomates etc., le principal point d’achoppement est et reste politique. Kinshasa s’étant opposé à la réouverture de la Maison Schengen tant que les sanctions européennes arbitraires contre ses officiels n’étaient pas levées. Et elles ne le sont pas encore que les occidentaux reviennent à la charge pour faire valoir leur volonté sans contrepartie souverainiste, Vital Kamerhe serait bien inspiré de la mettre sur la balance des discussions de ce jour. D’autant plus qu’une résolution du dialogue interdiocésain auquel il participa avec l’actuel N°1 rd congolais stipule clairement au chapitre de la décrispation politique que les autorités issues des élections seront tenues d’exiger des partenaires occidentaux de la RD Congo la levée sans condition de ces sanctions jugées à la fois illégales et arbitraires. A Kinshasa en particulier et en RD Congo en général, beaucoup d’analystes estiment que le cabinet du nouveau président de la République devrait avoir le courage de ne pas troquer dans la précipitation le peu de respectabilité et de considération arraché aux occidentaux contre une volonté à la limite de l’infantilisme politique de complaire à un quarteron d’ambassadeurs en quête de voies et moyens d’économiser leurs budgets de fonctionnement.[22]
S’agissant des revendications de Martin Fayulu, candidat malheureux après la proclamation définitive des résultats des scrutins combinés du 30 décembre 2018, elles paraissent sans fondement objectif réel. Le peuple congolais a su montrer sa maturité et l’acharnement bruyant du leader de la plateforme Lamuka qui s’évertue à faire valider sa « vérité des urnes » par des puissances extérieures et/ou des chancelleries étrangères installées à Kinshasa relève de la pure inconséquence politique.[23]
En effet, bien que le droit d’ingérence soit admis de nos jours dans des cas limités (humanitaires) par l’Organisation des Nations Unies, il ne saurait, en aucune manière, s’appliquer en pareil cas. Car les principes qui gouvernent le fonctionnement des Nations-Unies interdisent formellement à tout Etat membre d’enfreindre la souveraineté d’un autre, sauf dans le cas extrême d’une assistance ponctuelle et urgente à population en danger.
Il s’agit par exemple de l’éventualité d’une population exposée à des exactions particulièrement graves et humainement inacceptables du fait d’une guerre civile ou d’agression, d’une rébellion armée ou de l’invasion d’un pays par des troupes illégales etc. Encore faut-il qu’il soit établi que lesdites troupes soient en train d’exterminer des populations innocentes. A ces conditions, et à ces conditions seulement, le Conseil de sécurité de l’ONU peut siéger pour prendre une résolution permettant à un Etat ou groupe d’Etats d’user de la force pour défendre lesdites populations.
Les actes d’ingérence sus-évoqués de pays européens comme la Belgique ou la France dans des matières de souveraineté du peuple congolais sont des initiatives unilatérales qui ne rentrent pas dans cette définition. La motivation des pays européens qui s’y livrent semble être de servir leurs propres visions et intérêts particuliers en Afrique et dans le monde.[24]
Pour la France notamment, les pays africains doivent continuer à voir le monde comme elle veut qu’il soit. Alors que la souveraineté et l’indépendance ont eu, entre conséquences, de donner aux Africains la latitude de concevoir et d’orienter leurs relations extérieures tout en s’appuyant sur l’intérêt général bien compris de l’humanité. Avec les moyens importants dont ils disposent, des médias français orientés vers le continent africain ont essayé début 2019 de déformer la perception par l’opinion publique congolaise et mondiale des résultats électoraux qui ne favorisaient pas leur clientèle politique locale. D’où cette insistance lourde sur la prétendue victoire volée à Martin Fayulu que personne n’a pu étayer jusque-là par des preuves crédibles.
Deux semaines après la prise de possession de ses fonctions par le nouveau président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Afrikarabia, une des officines les plus actives de l’impérialisme européen en Afrique en remettait une couche en affichant « de nouvelles révélations » d’un certain Gérald Gérold, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique qui aurait, à partir de Paris, « découvert comment la machine à voter a permis au pouvoir (Joseph Kabila ndla) d’avoir un temps d’avance pour fabriquer la victoire de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.[25]
Chez nombre d’africanistes européens, il y a souvent un besoin compulsif d’intoxiquer la population congolaise pour créer et entretenir une situation de crise permanente propice à toutes les entreprises de prédation. Leur acharnement contre tout dirigeant de la RDC, quel qu’il soit, qui manifesterait peu ou prou des velléités souverainistes s’observe même dans les milieux officiels ainsi qu’on l’a vu avec les premières réactions négatives des gouvernements belges et français dès que le vainqueur proclamé de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 eut rendu hommage à son prédécesseur, le président Joseph Kabila réputé pour son indocilité à l’égard des anciennes puissances coloniales et de leurs prétentions à jouer un rôle d’inspiratrices attitrées des choix des Congolais. On ne peut expliquer autrement la tentative désespérée d’imposer à la fin de la course un candidat comme Martin Fayulu qui était pourtant connu pour avoir le moins d’ancrage politique dans le tissu sociologique congolais.
Tant d’acharnement sur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, président à peine élu de la RD Congo semble répondre au fait que contrairement à toutes les expectations, la passation du témoin entre Joseph Kabila et lui se soit déroulée sans anicroches. On attendait que les longs couteaux sortent des fourreaux mais ils sont, au contraire, tout sourire et se donnent même des accolades, commentait comme à regret un diplomate belge, avant d’ajouter, un brin moqueur : pourvu que ça dure !
A l’évidence, l’objectif par ces médias « globaux » était de paver la voie à des dirigeants qui accepteraient sans récriminer des schémas de reproduction de l’arrimage du Congo-Kinshasa aux intérêts mercantilistes des anciennes puissances coloniales coalisées.
Le fait d’être parvenu à détacher son successeur du camp de ses anciens amis occidentaux (européens) pour lesquels il n’est de politique acceptable au Congo-Kinshasa que celle fondée sur leurs oukases n’est pas le moindre des exploits de Joseph Kabila.
L’ingérence des puissances impérialistes occidentales, essentiellement des Européens, dans la conduite des affaires publiques congolaises est un fait indéniable et avéré depuis l’aube des années de l’indépendance en 1960. C’est ce qui explique pour une large part les contre-performances accumulées par lesdites politiques.
Confrontés à la seule Belgique, il aurait été moins laborieux pour les Congolais de faire valoir leurs droits inaliénables. L’implication dans cette entreprise de dépossession de la France, une puissance moyenne jouant un rôle non négligeable dans la géopolitique mondiale en sa qualité de membre des Big Five, les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, contribue à leur rendre la tâche plus ardue.
On a une idée assez précise de l’imprégnation des attitudes et des comportements néocolonialistes des policy makers de l’Hexagone grâce aux récentes dénonciations du gouvernement italien accusant ouvertement les autorités de la « patrie des droits de l’Homme » de s’enrichir sur le dos des Africains grâce notamment au Franc CFA. Il faut à cet égard reconnaître que le renforcement du pouvoir français en Afrique francophone ne s’explique que par le rôle ambigu des chefs d’Etats africains de la fameuse zone CFA.
C’est le même paradoxe qui s’observe en ce qui concerne la RD Congo avec l’action de quelques dirigeants d’Etats voisins de ce pays qui se laissent circonvenir par des dons, ou promesses de dons, des Européens et acceptent en retour sans états d’âme d’exposer un pays frère.
Quoi qu’il en soit, pour que la RDC soit réellement indépendante et souveraine, l’option prise par le président Joseph Kabila et son gouvernement de faire prendre en charge les dépenses des élections exclusivement par le trésor public et de décliner subséquemment les appuis intéressés de toutes les puissances occidentales a porté des fruits en ce que pour la première fois depuis 1960, la RDC a pu résister avec succès et de manière significative aux tentatives occidentales de la maintenir sous une dépendance avilissante.
Cette évolution est d’autant plus pertinente qu’elle est de nature à permettre aux Congolais de conserver un contrôle effectif sur leurs ressources naturelles face aux prétentions d’impérialistes prédateurs.
CONCLUSION
Pour clore cette réflexion, il convient de souligner que la RDC s’est trouvée au cours de ces six dernières décennies en butte à des dysfonctionnements endogènes et exogènes. Les premières sont entretenues par des membres des élites autochtones en quête de prébendes ou d’espaces de pouvoir qui n’hésitent pas à pactiser avec des groupes ou hommes d’influence étrangers en hypothéquant sans états d’âme les Intérêts Nationaux. Les deuxièmes sont le fait d’anciennes puissances coloniales européennes qui n’ont jamais fait le deuil de la décolonisation de ce véritable « scandale géologique » comme on a pris l’habitude d’étiqueter ce pays.
L’impact des uns et des autres est des plus lourds sur les chances de décollage et d’émergence du Congo qui a payé un lourd tribut en vies humaines aux efforts des meilleures de ses élites pour s’affranchir de cette domination programmée depuis les premiers contacts avec les explorateurs commis par le roi des Belges Léopold II dans la deuxième moitié des années 1800.
Dans cette optique, l’implication des puissances étrangères dans les affaires intérieures de la République Démocratique du Congo ne cesse de nourrir la réflexion du monde scientifique et des acteurs politiques confrontés au dilemme de devoir disposer des capitaux indispensables à la mise en valeur des énormes potentialités du pays, des capitaux essentiellement disponibles dans les pays occidentaux qui n’ont eu de cesse de conditionner leur mise à disposition à une soumission veule à des diktats susceptibles de vider de toute substance toute idée d’émancipation.
Le fait pour Joseph Kabila de briser ce véritable nœud gordien par la décision inédite en Afrique noire, de faire prendre en charge le processus électoral de son pays par son propre gouvernement, est un effort significatif pour inverser la courbe.
En plus d’être une alerte dans la dénonciation de la politique de dépossession de la souveraineté de la RDC par des puissances étrangères, cette dissertation se veut aussi une interpellation de toutes les couches de la population congolaise. Il s’agit de mettre en exergue les pratiques illégitimes et attentatoires au droit international des injonctions et des impositions de la part d’Etats tiers sur un pays théoriquement souverain depuis un certain 30 juin 1960 mais que l’on voulait ainsi réduire en une sorte de pantin à la périphérie de la communauté des nations.
Le laborieux processus de démocratisation des institutions publiques congolaises en RD Congo s’est déroulé dans un contexte post-conflit ayant provoqué une sorte d’appel d’air pour beaucoup d’acteurs locaux, régionaux et globaux qui ont vu l’occasion d’y insérer habilement leurs intérêts particuliers à contre-courant des Intérêts Nationaux des populations du cru.
Après deux expériences plus ou moins positives en 2006 et 2011 soutenues à bout de bras par ses partenaires extérieurs, les dirigeants congolais ont vite pris la mesure du prix de l’autodétermination qui passe par des sacrifices qu’ils ont su assumer avec détermination. Grâce à ce sursaut, les élections de 2018 ont été une véritable réussite. Loin des bruits et des menaces de ponction étrangère et de balkanisation du pays, tout s’est finalement passé dans un ordre qui force l’admiration. Les Congolais posent ainsi pour la première fois un acte concret d’appropriation de leur pays face à ceux qui, depuis plusieurs décennies s’efforçaient de les chosifier à leur profit.
Les enjeux des élections en RDC qui consistaient pour nombre de pays étrangers et de sociétés multinationales en l’imposition à la tête des institutions publiques de ce pays des animateurs voués à des stratégies de prédominance occidentale ont été efficacement contre balancés. Par la passation pacifique et civilisée du pouvoir entre Joseph Kabila Kabange et Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, la RDC a relevé le premier défi d’organiser les élections sans aucune intervention extérieure. Le pouvoir présidentiel a pu passer sans heurts dans le camp de l’ancienne opposition radicale.
Le second défi consiste à ne pas rétropédaler car dans les années qui viennent, si ces pratiques inaugurées par le duo Kabila et Tshisekedi perdurent dans le pays, les puissances impérialistes ne pourront plus imprimer leur volonté dans le processus électoral en particulier et dans les affaires domestiques de la RDC en général.
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[1] DELANTE M., Atlas d’Afrique centrale, Gallimard, Paris, 2015, p. 149.
[2] Ibidem, p. 152.
[3] MUKUNA F., Histoire de la République Démocratique du Congo. Les moments faits d’un Etat, Médiaspaul, Kinshasa, 2003, p. 56.
[4] CLAUDEL H., Grammaire des événements politiques au Zaïre, Découverte, Genève, 1999, p. 117.
[5] MUKUNA F., Op. cit., p. 82.
[6] CLAUDEL H., Histoire de la colonisation européenne en Afrique, Droz, Genève, 2016, p. 134.
[7] MAURICE W., La fin d’un pouvoir au Zaïre, Presses Universitaires de France, Paris, 1997, p. 218.
[8] MANDUNGU B., Qui sont ces agresseurs de la République Démocratique du Congo, Calmann-Lévy, Paris, 2002, p. 65.
[9] Communication au Bureau Politique de l’Alliance de la Majorité Présidentielle, Kingakati, octobre 2010.
[10] CAPRA F., Les acteurs modernes des relations internationales, Etincèle, Montréal, 2017, p. 39.
[11] Cfr : Préambule de la Charte de l’ONU.
[12] DAVID W., Compilations des discours du Président George W. Bush, Gallimard, Paris, 2008, p. 102.
[13] SARDOU V., La conférence de Berlin et la redistribution des cartes, L’Harmattan, Paris, 1989, p. 83.
[14] CAPRA F., Op. cit., p. 105.
[15] Au cours d’une réunion informelle à Addis-Abeba, le président en exercice Paul Kagamé avait exprimé « des doutes sérieux quant la conformité des résultats provisoires proclamés par la Commission électorale » et demandé à la RDC de suspendre la publication définitive de ceux-ci.
[16] MERLE M., Sociologie des Relations internationales, PUF, Paris, 1994, p. 77.
[17] Au terme de la législation congolaise, le président de la République est obligé de promulguer les lois adoptées par les chambres parlementaires.
[18] KABUYA L.S.C., Réflexions sur la démocratie congolaise et ses principaux défis. Editions CEDIS, Kinshasa, 2017, p. 87.
[19] Ibidem.
[20] BRAECKMAN C., « Parole de président. Joseph au Soir : Mon successeur aura besoin de dignité », dans Le Soir, 30 novembre 2018.
[21] MUTOMBO M., L’accord global et inclusif en RDC, Médiaspaul, Kinshasa, 2003, p. 84.
[22] Publié dans le journal Le Maximum, n° 602, mardi 05 février 2019.
[23] Après avoir été débouté devant la Cour constitutionnelle congolaise, Martin Fayulu a saisi la Cour africaine des Droits de l’Homme pour se faire reconnaître président élu de la RDC.
[24] WALDEMART K., France-Afrique : le néo-colonialisme ou l’impérialisme d’une puissance aigrie, Flammarion, Paris, 2014, p. 67.
[25] Anonyme, « Nouvelles révélations sur les élections en RDC », dans La Référence Plus, n°7095, du 08 février 2019, p. 2.
- Revue Intelligence Stratégique, n°003, Janvier-Mars 2019
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One Reply to “DES INTERFERENCES EXTERIEURES DANS LE PROCESSUS ELECTORAL DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : ENJEUX, DEFIS ET PERSPECTIVES”
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